Maximilien Robespierre ét la Garde Nationale

Maximilien François Marie Isidore de Robespierre (6 mai 1758 – 28 juillet 1794) est un avocat et homme français qui fut l’une des figures les plus connues et les plus influentes de la Révolution française. En tant que membre de l’Assemblée constituante et du Club des Jacobins, il a fait campagne pour le suffrage universel des hommes[1] et l’abolition du célibat pour le clergé et de l’esclavage. En 1791, Robespierre se fait le défenseur des citoyens masculins sans voix politique, de leur admission sans restriction dans la Garde nationale, aux fonctions publiques, et du droit de porter des armes en cas de légitime défense. [Robespierre a joué un rôle important dans l’agitation qui a entraîné la chute de la monarchie française le 10 août 1792 et la convocation d’une Convention nationale[5]. Son objectif était de créer une France une et indivisible, l’égalité devant la loi, d’abolir les prérogatives et de défendre les principes de la démocratie directe[6].

En tant que l’un des principaux membres de la Commune insurrectionnelle de Paris, Robespierre est élu député à la Convention française au début du mois de septembre 1792, mais il est rapidement critiqué pour avoir tenté d’établir un triumvirat ou une dictature. En avril 1793, Robespierre préconise la création d’une armée sans-culotte pour faire appliquer les lois révolutionnaires et balayer tout conspirateur contre-révolutionnaire, ce qui conduit à l’Insurrection armée du 31 mai au 2 juin 1793. En raison de sa santé, Robespierre annonce qu’il va démissionner, mais en juillet, il est nommé membre du puissant Comité de salut public et réorganise le Tribunal révolutionnaire. En octobre, après que Robespierre eut proposé en vain de clore la convention, le Comité se déclara gouvernement révolutionnaire. Ceux qui ne défendent pas activement la France deviennent ses ennemis[7]. Il exerce son influence pour supprimer les Girondins républicains à droite, les Hébertistes à gauche, puis les Dantonistes au centre.

Robespierre est surtout connu pour son rôle de membre du Comité de salut public, puisqu’il a personnellement signé 542 arrestations, notamment au printemps et à l’été 1794[8][a] La question de la responsabilité de Robespierre dans la loi du 22 prairial reste controversée[9]. Entrée en vigueur au plus fort du règne de la Terreur, cette loi a supprimé les quelques garanties procédurales dont bénéficiait encore l’accusé, a largement étendu le pouvoir du tribunal et a finalement entraîné une augmentation spectaculaire du nombre d’exécutions en France. Bien que Robespierre ait toujours eu des alliés de même sensibilité, les effusions de sang à caractère politique qu’il a provoquées en ont désillusionné plus d’un. De plus, le culte déiste de l’Être suprême qu’il avait fondé et promu avec zèle suscitait la suspicion des anticléricaux et des autres partis qui pensaient qu’il développait des illusions grandioses sur sa place dans la société française[10][11].

Robespierre a fini par être vaincu par son obsession de la vision d’une république idéale et son indifférence aux coûts humains de son installation, ce qui a retourné contre lui les membres de la Convention et le public français[12]. La Terreur a pris fin lorsque lui et ses alliés ont été arrêtés à l’hôtel de ville de Paris le 9 Thermidor. Robespierre est blessé à la mâchoire, mais on ne sait pas s’il se l’est infligé lui-même ou si c’est le résultat de l’escarmouche. Environ 90 personnes, dont Robespierre, ont été exécutées dans les jours qui ont suivi, événements qui ont initié une période connue sous le nom de Réaction thermidorienne[13].

Robespierre reste un personnage controversé[14][15] Son héritage et sa réputation font depuis lors l’objet de débats universitaires et populaires[16][17][18] George Rudé estime que Robespierre a prononcé quelque 900 discours. Pour certains, Robespierre est le principal idéologue de la Révolution et incarne la première expérience démocratique du pays, marquée par la Constitution française de 1793, souvent révisée et jamais appliquée. Pour d’autres, il était l’incarnation de la Terreur[19], et fournissait dans ses discours une justification de l’armement civil.

Contenu
1 Les débuts de la vie
2 Les débuts de la politique
3 Club des Jacobins
4 Opposition à la guerre avec l’Autriche
5 La Commune insurrectionnelle de Paris
6 La Convention nationale
6.1 Exécution de Louis XVI
6.2 Destruction des Girondistes
7 Le règne de la Terreur
7.1 L’ennemi intérieur
8 L’abolition de l’esclavage
9 Le culte de l’Être suprême
10 La chute
10.1 L’arrestation
10.2 L’exécution
11 Héritage et mémoire
11.1 Représentations à l’écran
11.2 Mémoires publiques
11.2.1 Noms de rues
11.2.2 Plaques et monuments
11.2.2.1 Arras
11.2.2.2 Paris et ailleurs
11.2.3 Les unités de la Résistance
12 Notes
13 Références
14 Sources (sélection)
15 Autres lectures
16 Liens externes
Les débuts de la vie
Maximilien de Robespierre est né à Arras, dans l’ancienne province française d’Artois. Sa famille remonte au XVe siècle à Vaudricourt, dans le Pas-de-Calais ; l’un de ses ancêtres, Robert de Robespierre, exerçait la profession de notaire à Carvin au milieu du XVIIe siècle[20]. Son grand-père paternel, également nommé Maximilien de Robespierre, s’établit à Arras comme avocat. Son père, François Maximilien Barthélémy de Robespierre (1732-1777), avocat au Conseil d’Artois, épouse Jacqueline Marguerite Carrault (1735-1764), fille de brasseur, alors qu’elle est enceinte. Maximilien est né cinq mois après leur mariage, il est l’aîné de quatre enfants. Ses frères et sœurs étaient Charlotte (1760-1834),[b] Henriette (1761-1780),[c] et Augustin (1763-1794)[21][22].

Au début du mois de juillet 1764, Madame de Robespierre donne naissance à une fille mort-née ; elle meurt douze jours plus tard, à l’âge de 29 ans. Dévasté par la mort de sa femme, François de Robespierre quitte Arras vers 1767[d]. Ses deux filles sont élevées par leurs tantes paternelles, et ses deux fils sont recueillis par leurs grands-parents maternels[23]. Déjà alphabétisé à l’âge de huit ans, Maximilien commence à fréquenter le collège d’Arras[24]. En octobre 1769, sur la recommandation de l’évêque fr:Louis-Hilaire de Conzié, il reçoit une bourse au collège Louis-le-Grand. Parmi ses camarades de classe figurent Camille Desmoulins et Stanislas Fréron. À l’école, il apprend à admirer la République romaine idéalisée et la rhétorique de Cicéron, Caton et Lucius Junius Brutus. En 1776, il obtient le premier prix de rhétorique. Il étudie également les œuvres du philosophe genevois Jean-Jacques Rousseau et est attiré par de nombreuses idées, consignées dans son “Contrat social”. Robespierre est intrigué par l’idée d’un “moi vertueux”, un homme qui se tient seul accompagné de sa seule conscience[25]. Son étude des classiques le pousse à aspirer aux vertus romaines, mais il cherche surtout à imiter le citoyen-soldat de Rousseau[26]. [La conception que Robespierre se fait de la vertu révolutionnaire et son programme de construction de la souveraineté politique à partir de la démocratie directe lui viennent de Montesquieu, de Rousseau et de Mably[28][e] Avec Rousseau, Robespierre considère la “volonté générale” ou la volonté générale du peuple comme le fondement de la légitimité politique[32].

Les débuts de la politique

La maison où Robespierre a vécu entre 1787 et 1789, aujourd’hui rue Maximilien de Robespierre
Robespierre étudie le droit pendant trois ans à la Sorbonne. Lors de sa remise de diplôme le 31 juillet 1780, il reçoit un prix spécial de 600 livres pour sa réussite scolaire exemplaire et sa bonne conduite personnelle[33] Le 15 mai 1781, Robespierre est admis au barreau. L’évêque d’Arras, Hilaire de Conzié, le nomme, en mars 1782, l’un des cinq juges du tribunal criminel. Robespierre démissionne rapidement, en raison de la gêne qu’il éprouve à statuer sur des affaires capitales, due à son opposition précoce à la peine de mort. Son affaire la plus célèbre a lieu en mai 1783 et concerne un paratonnerre à Saint-Omer. Sa défense fut imprimée et il en envoya une copie à Benjamin Franklin[34].

Le 15 novembre 1783, il est élu membre de l’Académie littéraire d’Arras[35]. En 1784, l’Académie de Metz lui décerne une médaille pour sa dissertation sur la question de savoir si les parents d’un criminel condamné doivent partager sa disgrâce, ce qui fait de lui un homme de lettres[36]. Il partage le prix avec Pierre Louis de Lacretelle, avocat et journaliste à Paris. Robespierre s’attaque à l’inégalité devant la loi : l’indignité des enfants naturels ou illégitimes (1786), trois ans plus tard les lettres de cachet (emprisonnement sans procès) et la mise à l’écart des femmes dans la vie académique. (Il fait la connaissance de l’avocat Martial Herman, du jeune officier et ingénieur Lazare Carnot et du professeur Joseph Fouché, qui joueront un rôle dans sa vie ultérieure[38]. Robespierre affirme également avoir vu Rousseau, peu de temps avant sa mort[39][40][41].

En août 1788, le roi Louis XVI annonce de nouvelles élections pour toutes les provinces et une réunion des États généraux pour le 1er mai 1789 afin de résoudre les graves problèmes financiers et fiscaux de la France. Robespierre participe à une discussion sur le mode d’élection du gouvernement provincial français, faisant valoir dans son Adresse à la nation d’Artois que si l’ancien mode d’élection par les membres des domaines provinciaux était à nouveau adopté, les nouveaux États généraux ne représenteraient pas le peuple de France. A la fin du mois de février 1789, la France connaît une crise pressante due à son désir d’une nouvelle constitution, selon Gouverneur Morris[42].

Maximilien de Robespierre habillé en député du tiers état par Pierre Roch Vigneron, vers 1790 (château de Versailles)
Dans sa circonscription, Robespierre commence à se faire remarquer en politique avec son Avis aux habitants des campagnes de 1789 dans lequel il attaque les autorités locales[f]. Il s’assure ainsi le soutien des électeurs des campagnes. Le 26 avril 1789, Robespierre est élu comme l’un des 16 députés du Pas-de-Calais aux États généraux, les autres étant Charles de Lameth et Albert de Beaumetz[44]. g] Lorsque les députés arrivent à Versailles, ils sont présentés au roi et écoutent le discours de trois heures de Jacques Necker sur les réformes institutionnelles et politiques[45]. [45] Ils sont informés que tous les votes aux États généraux de 1789 se feront toujours ” par ordre ” et non ” par tête “, de sorte que leur double représentation promise en décembre 1788 sera sans objet[46][47] Il en résulte que l’abbé Sieyès s’oppose au veto du roi, suggérant que le Tiers état se réunisse séparément et change de nom[48] Le 6 juin, Robespierre prononce son premier discours remarqué, attaquant la hiérarchie ecclésiastique. Le 13 juin, Robespierre rejoint les députés, qui s’appelleront l’Assemblée nationale représentant 96 % de la nation[49]. Le 9 juillet, l’Assemblée s’installe à Paris. Elle se transforme en Assemblée nationale constituante pour discuter d’une nouvelle constitution et d’un nouveau système d’imposition.

Le lundi 13 juillet, l’Assemblée nationale propose de rétablir la “milice bourgeoise” à Paris pour contrôler les émeutes[50][51] Le 14 juillet, le peuple réclame des armes et prend d’assaut l’Hôtel des Invalides et la Bastille. Sans entrer dans les détails, la milice change de nom et devient la Garde nationale[52], tenant à distance les citoyens les plus pauvres[53]. Le marquis de La Fayette est acclamé comme leur commandant en chef[54]. Le 20 juillet, l’Assemblée décide d’établir des Gardes nationales dans toutes les communes du pays[55]. [Les Gardes Françaises furent admises et soutenues pour élire de “nouveaux chefs”[57]. En discutant et en attaquant Lally-Tollendal qui réclamait l’ordre public, Robespierre rappela aux citoyens qui avaient défendu la liberté quelques jours auparavant, mais n’avaient pas pu y accéder[58][59].

En octobre, lui et Louvet soutinrent Maillard après la marche des femmes sur Versailles[60] Le groupe initial de manifestantes naissantes, entièrement féminin, avait un message relativement conciliant, et il fut augmenté par des groupes masculins plus militarisés et expérimentés lorsqu’il atteignit Versailles. [61] Alors que l’Assemblée constituante s’occupait du suffrage censitaire masculin, Robespierre et quelques autres députés s’opposaient aux exigences de propriété pour voter et occuper un poste[62]. En décembre et janvier, Robespierre réussit à attirer l’attention des classes exclues, notamment les protestants de France, les juifs[63], les noirs, les domestiques et les comédiens[64][65].

Intervenant fréquemment à l’Assemblée, Robespierre exprime de nombreuses idées en faveur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) et des dispositions constitutionnelles de la Constitution de 1791, mais n’obtient que rarement une majorité parmi ses collègues députés, selon Malcolm Crook[66][67] Robespierre, qui n’a jamais renoncé à porter une culotte et est toujours “poudré, frisé, et parfumé”, semble avoir été nerveux, timide et méfiant. Madame de Staël décrit Robespierre comme “très exagéré dans ses principes démocratiques”. Il soutenait les propositions les plus absurdes avec un sang-froid qui avait l’air d’une conviction[68].

Club des Jacobins

Club des Jacobins en février 1791[69].
À partir d’octobre 1789, Robespierre habite au 30, rue de Saintonge, dans le Marais, un quartier aux habitants relativement aisés[70]. Pierre Villiers affirme avoir été son secrétaire pendant plusieurs mois, et ils partagent l’appartement du troisième étage[71]. Robespierre s’associe à la nouvelle Société des amis de la Constitution, communément appelée Club des Jacobins. À l’origine, cette organisation (le Club Breton) ne comprenait que des députés de Bretagne, mais après le déménagement de l’Assemblée nationale à Paris dans un ancien monastère vide, les Amis de la participation civique ont admis des non-députés, soutenant les changements en France. Parmi ces 1 200 hommes, Robespierre a trouvé un public sympathique. L’égalité devant la loi était la clé de voûte de l’idéologie jacobine. En janvier, il tient plusieurs discours en réaction à la décision de faire dépendre l’exercice des droits civiques d’une certaine somme de l’impôt. Lors du débat sur le suffrage, Robespierre termine son discours du 25 janvier 1790 en affirmant sans détour que ” tous les Français doivent être admissibles à toutes les fonctions publiques sans autre distinction que celle des vertus et des talents “[72]. Il commence à acquérir une réputation, et le 31 mars 1790, Robespierre est élu président[73]. [Le 28 avril, Robespierre propose de permettre un nombre égal d’officiers et de soldats dans la cour martiale, en se fondant sur ses principes démocratiques[74]. Contrairement à Niccolò Machiavel qui encourageait la création de milices citoyennes locales ou régionales, un système qui, après trois siècles, semblait être une ” institution fossile “[75], Robespierre soutient le 11 mai la coopération de toutes les gardes nationales dans une fédération générale[76]. Le 19 juin, il est élu secrétaire de l’Assemblée nationale.

Buste en terre cuite de Robespierre par Deseine, 1791 (musée de la Révolution française)

Cour de la maison de Maurice Duplay, propriétaire de Robespierre. La chambre de Robespierre se trouvait au deuxième étage, au-dessus de la fontaine. Les autres locataires étaient sa sœur, son frère et Georges Couthon.
Au printemps 1790, les départements français sont réorganisés ; la Commune de Paris est divisée en 48 sections et peut discuter de l’élection d’un nouveau maire. En juillet, Robespierre réclame “l’égalité fraternelle” des salaires.[77] Le 2 août, Jean Sylvain Bailly devient le premier maire élu de Paris avec 12.500 voix ; Georges Danton en a 49, Marat et Louis XVI une seule.[78][79] En discutant de l’avenir d’Avignon, Robespierre et ses partisans sur les tribunes réussissent à faire taire Mirabeau. Avant la fin de l’année, il est considéré comme l’un des chefs du petit corps de l’extrême gauche. Robespierre est l’une des “trente voix”, comme le commente Mirabeau à Barnave avec mépris : “Cet homme ira loin, il croit tout ce qu’il dit”[80] Le 5 décembre, Robespierre prononce un discours sur l’urgence de la Garde nationale[81][82][83] “Être armé pour sa défense personnelle est le droit de tout homme, être armé pour défendre la liberté et l’existence de la patrie commune est le droit de tout citoyen”. [84] Robespierre invente la célèbre devise “Liberté, égalité, fraternité” en ajoutant le mot fraternité sur les drapeaux de la Garde nationale[h][86][87] Le 18 décembre, il est décrété de fournir à la Garde nationale 50 000 fusils[88].

En 1791, Robespierre prononce 328 discours. Le 28 janvier, Robespierre discute à l’Assemblée de l’organisation de la Garde nationale[89] ; pendant trois ans, c’est un sujet brûlant dans les journaux français[90] ; déjà le 5 février 1791, il déclare : ” La vraie religion consiste à punir pour le bonheur de tous ceux qui troublent la société “[91] Début mars, les milices provinciales sont supprimées et le département de Paris est placé au-dessus de la Commune pour tout ce qui concerne l’ordre et la sécurité générale. Selon Jan ten Brink, il avait le droit de suspendre les décisions de la Commune et de disposer de l’armée contre elle en cas d’urgence. Les 27 et 28 avril 1791, Robespierre s’oppose aux projets de réorganisation de la Garde nationale et de restriction de sa composition aux citoyens actifs[92][93], qu’il juge trop aristocratique. Il demande la reconstitution de la Garde nationale sur une base démocratique[94]. Il estime que la Garde nationale doit devenir l’instrument de la défense de la liberté et non plus une menace pour celle-ci[95][96].

Le 9 mai, l’Assemblée discute du droit de pétition[97] L’article III reconnaît expressément le droit des citoyens actifs de se réunir pour rédiger des pétitions et des adresses et les présenter aux autorités municipales[98] Le dimanche 15 mai, l’Assemblée constituante déclare la citoyenneté pleine et égale pour tous les gens de couleur libres. Lors du débat, Robespierre déclare : ” Je sens que je suis ici pour défendre les droits des hommes ; je ne puis consentir à aucun amendement et je demande que le principe soit adopté dans son entier. ” Il descendit de la tribune au milieu des applaudissements répétés de la gauche et de tous les tribuns[99] Les 16-18 mai, lorsque les élections commencèrent, Robespierre proposa et fit adopter la motion selon laquelle aucun député ayant siégé à la Constituante ne pourrait siéger à l’Assemblée législative suivante. [Le principal objectif tactique de cette ordonnance d’abnégation était de bloquer les ambitions des anciens chefs des Jacobins, Antoine Barnave, Adrien Duport et Alexandre de Lameth[101], qui aspiraient à créer une monarchie constitutionnelle à peu près semblable à celle de l’Angleterre[102][i]. Le 28 mai, Robespierre propose que tous les Français soient déclarés citoyens actifs et éligibles[104]. Le 30 mai, il prononce un discours sur l’abolition de la peine de mort, mais sans succès[105]. Selon Hillary Mantel : Il est parfaitement construit, une fusion brillante de la logique et de l’émotion, autant une œuvre d’art que pourrait l’être un bâtiment ou un morceau de musique[106] Le lendemain, Robespierre attaque l’abbé Raynal, qui a envoyé une adresse critiquant les travaux de l’Assemblée et demandant le rétablissement de la prérogative royale.

Le 10 juin, Robespierre prononce un discours sur l’état de l’armée et propose de révoquer les officiers[95]. Le lendemain, il accepte la fonction de procureur général de Paris[107]. Deux jours plus tard, L’Ami du Roi, pamphlet royaliste, qualifie Robespierre d'” avocat des bandits, des rebelles et des assassins “[81]. Le 14 juin, l’abolition du système des corporations est scellée ; la loi Le Chapelier interdit toute forme de coalition ou d’assemblée ouvrière. (Elle concernait en premier lieu autant les pétitions collectives des clubs politiques que les associations professionnelles[108]). La proclamation de la libre entreprise comme norme indispose Jean-Paul Marat, mais pas l’ouvrier urbain ni Robespierre[109]. Le 15 juin, Pétion devient président du “tribunal criminel provisoire”, après que Duport a refusé de travailler avec Robespierre[110].

Après l’échec de la fuite de Louis XVI à Varennes, l’Assemblée décrète que le roi est suspendu de ses fonctions le 25 juin jusqu’à nouvel ordre. Du 13 au 15 juillet, l’Assemblée débat du rétablissement du roi et de ses droits constitutionnels[111]. Robespierre déclare au Club des Jacobins le 13 juillet : La constitution française actuelle est une république avec un monarque.[112] Elle n’est donc ni une monarchie ni une république. Elle est les deux à la fois[113]. La foule du Champ de Mars approuve une pétition demandant le procès du roi. Alarmés par les progrès de la Révolution, les Jacobins modérés, favorables à une monarchie constitutionnelle, fondent le lendemain le club des Feuillants, emmenant avec eux 264 députés. Dans la soirée, le roi est rétabli dans ses fonctions.

Le samedi 17 juillet, Bailly et La Fayette décrètent l’interdiction des rassemblements suivie de la loi martiale[114][115] Après le massacre du Champ de Mars, les autorités ordonnent de nombreuses arrestations. Robespierre, qui fréquente le club des Jacobins, n’ose pas regagner la rue Saintonge où il loge, et demande donc à Laurent Lecointre s’il connaît un patriote près des Tuileries qui pourrait l’héberger pour la nuit. Lecointre lui propose la maison de Duplay et l’y conduit[116] Maurice Duplay, ébéniste et fervent admirateur, habite au 398 de la rue Saint-Honoré, près des Tuileries. Après quelques jours, Robespierre décide de s’y installer définitivement, bien qu’il vive dans l’arrière-cour et qu’il soit constamment exposé au bruit du travail[117], motivé par le désir de vivre plus près de l’Assemblée et du club des Jacobins. En septembre 1792, sa sœur et son frère cadets le rejoignent et vivent dans la maison de devant, mais Charlotte insiste pour déménager au 5 rue St Florentin en raison de son prestige accru et de ses tensions avec Madame Duplay[71]. Selon son ami, le chirurgien Joseph Souberbielle, Joachim Vilate, et la fille de Duplay, Élisabeth, Robespierre s’est fiancé à la fille aînée de Duplay, Éléonore, mais sa sœur Charlotte le nie vigoureusement ; de même, son frère Augustin refuse de l’épouser[118][119][120].

Le 3 septembre, la Constitution française de 1791 est installée. Le 29 septembre, la veille de la dissolution de l’Assemblée, Robespierre s’oppose à Jean Le Chapelier, qui veut proclamer la fin de la révolution et restreindre la liberté des clubs. Robespierre avait soigneusement préparé cet affrontement, qui constitue le point culminant de sa carrière politique jusqu’alors[121]. Pétion et Robespierre sont ramenés en triomphe dans leurs foyers[j]. Le 16 octobre, Robespierre tient un discours à Arras ; une semaine plus tard, à Béthune, petite ville qu’il souhaite installer. Robespierre remarque que les auberges du Pas-de-Calais sont remplies d’émigrés[122]. Le 28 novembre, il est de retour au club des Jacobins, où il reçoit un accueil triomphal. Collot d’Herbois cède son fauteuil à Robespierre, qui préside cette soirée.

Opposition à la guerre avec l’Autriche

Portrait de Robespierre (1792) par Jean-Baptist Fouquet. L’utilisation d’un physionotrace permet de réaliser un “grand trait” en quelques minutes. Ce dessin grandeur nature sur papier rose a été réalisé par Fouquet[123].
Au moment de la déclaration de Pillnitz (27 août 1791), Brissot dirigeait l’Assemblée législative. La déclaration émanait de l’Autriche et de la Prusse, avertissant le peuple de France de ne pas nuire à Louis XVI, sinon ces nations “interviendraient militairement” dans la politique de la France. Menacé par la déclaration, Brissot rallie le soutien de l’Assemblée législative. Comme Marat, Danton et Robespierre ne sont pas élus dans la nouvelle législature grâce à l’ordonnance sur l’autodénigrement, la politique d’opposition se déroule souvent en dehors de l’Assemblée. Le 18 décembre 1791, Robespierre prononce un (deuxième) discours au club des Jacobins contre la déclaration de guerre[124]. Robespierre met en garde contre la menace de dictature découlant de la guerre, dans les termes suivants :

S’ils sont Césars, Catilinas ou Cromwells, ils s’emparent du pouvoir pour eux-mêmes. S’ils sont des courtisans veules, peu intéressés à faire le bien, mais dangereux quand ils cherchent à faire le mal, ils retournent déposer leur pouvoir aux pieds de leur maître et l’aident à reprendre le pouvoir arbitraire à condition de devenir ses principaux serviteurs[125].

Le 25 décembre, Guadet, président de l’Assemblée, propose que 1792 soit la première année de la liberté universelle[126]. Il déclare le 29 décembre qu’une guerre serait un bienfait pour la nation et relancerait l’économie. Il incite la France à déclarer la guerre à l’Autriche (guerre de la première coalition). Marat et Robespierre s’y opposèrent, arguant que la victoire créerait une dictature, tandis que la défaite rétablirait le roi dans ses anciens pouvoirs ; aucune de ces deux fins, disait-il, ne servirait la révolution[127].

L’idée la plus extravagante qui puisse naître dans la tête d’un homme politique est de croire qu’il suffit à un peuple d’envahir un pays étranger pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés… La Déclaration des droits de l’homme… n’est pas un éclair qui frappe tous les trônes en même temps… Je suis loin de prétendre que notre Révolution ne finira pas par influencer le destin du monde… Mais je dis que ce ne sera pas aujourd’hui (2 janvier 1792)[128].

Cette opposition des alliés attendus irrite les Girondins, et la guerre devient un point de discorde majeur entre les factions. Dans son troisième discours sur la guerre, Robespierre riposte dans le club des Jacobins : ” Une guerre révolutionnaire doit être menée pour libérer les sujets et les esclaves d’une tyrannie injuste, et non pour les raisons traditionnelles de défense des dynasties et d’expansion des frontières… ” En effet, argumente Robespierre, une telle guerre ne pouvait que favoriser les forces de la contre-révolution, puisqu’elle ferait le jeu de ceux qui s’opposent à la souveraineté du peuple. Les risques du césarisme sont clairs, car, en temps de guerre, les pouvoirs des généraux s’accroîtraient au détriment des simples soldats, et le pouvoir du roi et de la cour au détriment de l’Assemblée. Ces dangers ne doivent pas être négligés, rappelle-t-il à ses auditeurs ; “…dans les périodes troublées de l’histoire, les généraux sont souvent devenus les arbitres du sort de leurs pays”[129]. Son discours est néanmoins publié et envoyé à tous les clubs et sociétés jacobines de France[130].

Maximilien Robespierre, physionotrace par Chrétien, l’inventeur[131] En réglant les aiguilles d’un pantographe, il obtient un rapport de réduction. Ce dispositif était relié à une aiguille à graver. Il permettait ainsi de réaliser de multiples copies de portraits[132].
Le 10 février 1792, il prononce un discours sur les moyens de sauver l’État et la Liberté et n’utilise pas le mot guerre. Il commence par assurer à son auditoire que tout ce qu’il a l’intention de proposer est strictement constitutionnel. Il préconise ensuite des mesures concrètes pour renforcer, non pas tant les défenses nationales que les forces sur lesquelles on peut compter pour défendre la révolution[133] : non seulement la garde nationale mais aussi le peuple doivent être armés, si nécessaire de piques. Robespierre promeut une armée populaire, continuellement sous les armes et capable d’imposer sa volonté aux Feuillants et aux Girondins du Cabinet constitutionnel de Louis XVI et de l’Assemblée législative[134]. Les Jacobins décident d’étudier son discours avant de décider s’il doit être imprimé[135].

Les Girondins prévoient des stratégies pour déjouer l’influence de Robespierre au sein des Jacobins[136]. Il est accusé par Brissot et Guadet de vouloir devenir l’idole du peuple[137]. Le 26 mars, Guadet accuse Robespierre de superstition, s’en remettant à la providence divine[138] ; étant contre la guerre, il est également accusé d’agir comme agent secret du Comité autrichien[139]. [Lorsque, au printemps 1792, sous la pression de l’Assemblée, le roi accepte quelques ministres girondins dans son cabinet, ce n’est, selon Louvet, qu’en raison d’une campagne de dénigrement menée par Robespierre et ses partisans qu’il n’est pas également nommé[140]. Le 10 avril, Robespierre démissionne du poste de procureur général qu’il occupait officiellement depuis le 15 février[141][142] Il explique sa démission devant le Club des Jacobins, le 27 avril, dans le cadre de son discours répondant aux accusations portées contre lui. Il menace de quitter les Jacobins, affirmant qu’il préfère poursuivre sa mission en tant que simple citoyen[143].

Le 17 mai, Robespierre publie le premier numéro de son journal Le Défenseur de la Constitution, dans lequel il attaque Brissot et fait connaître son scepticisme à l’égard de tout le mouvement de la guerre[144]. [Le journal, imprimé par son voisin Nicolas, sert de multiples objectifs : imprimer ses discours, contrer l’influence de la cour royale dans la politique publique, le défendre contre les accusations des dirigeants girondistes et donner une voix aux intérêts économiques et démocratiques des grandes masses de Paris et défendre leurs droits[146][147].

La Commune insurrectionnelle de Paris

Le Défenseur de la Constitution (n°5)

Manifestation du 20 juin 1792 aux Tuileries
Lorsque l’Assemblée législative déclare la guerre à l’Autriche le 20 avril 1792, Robespierre déclare que le peuple français doit se soulever et s’armer complètement, que ce soit pour combattre à l’étranger ou pour surveiller le despotisme à l’intérieur[148]. Robespierre réagit en travaillant à réduire l’influence politique de la classe des officiers et du roi. Le 23 avril, Robespierre demande au marquis de Lafayette, chef de l’armée du Centre, de se retirer. Tout en plaidant pour le bien-être des simples soldats, Robespierre préconise de nouvelles promotions pour atténuer la domination de la classe des officiers par l’École militaire aristocratique et royaliste et la Garde nationale conservatrice[k]. [Avec d’autres jacobins, il préconise dans le cinquième numéro de sa revue la création d’une ” armée révolutionnaire ” à Paris, composée d’au moins 20 000 hommes[150], pour défendre la ville, la ” liberté ” (la révolution), maintenir l’ordre dans les sections et éduquer les membres aux principes démocratiques ; une idée qu’il emprunte à Jean-Jacques Rousseau[151]. Selon Jean Jaurès, il considérait cela encore plus important que le droit de grève[citation nécessaire][94].

Le 29 mai 1792, l’Assemblée dissout la Garde constitutionnelle, la soupçonnant de sympathies royalistes et contre-révolutionnaires. Début juin 1792, Robespierre propose la fin de la monarchie et la subordination de l’Assemblée à la volonté générale[152]. Après le veto du roi aux efforts de l’Assemblée pour supprimer la proposition de Carnot et Servan de lever une milice (permanente) de volontaires le 8 juin[153], la monarchie doit faire face à une manifestation avortée le 20 juin. [Sergent-Marceau et Panis, les administrateurs de police, sont envoyés par Pétion pour inciter les Sans-culottes à déposer les armes, en leur disant qu’il est illégal de présenter une pétition en armes (pour demander au roi d’appliquer la constitution, d’accepter les décrets et de rappeler les ministres). Leur marche vers les Tuileries n’est pas interdite. Ils ont invité les officiels à se joindre au cortège et à marcher avec eux[156].

Les forces françaises ayant subi des défaites désastreuses et une série de défections au début de la guerre, Robespierre et Marat craignaient la possibilité d’un coup d’État militaire. L’un d’eux est mené par Lafayette, chef de la Garde nationale, qui, à la fin du mois de juin, préconise la suppression du Club des Jacobins. Robespierre l’attaque publiquement en termes cinglants :
” Général, tandis que du milieu de votre camp vous me déclariez la guerre, que vous aviez jusqu’ici épargnée aux ennemis de notre État, tandis que vous me dénonciez comme ennemi de la liberté à l’armée, à la garde nationale et à la nation dans des lettres publiées par vos journaux achetés, j’avais cru n’avoir qu’une dispute avec un général… mais pas encore le dictateur de la France, arbitre de l’État. “[157].

Le 2 juillet, l’Assemblée autorise la Garde nationale à se rendre à la fête de la Fédération le 14 juillet, contournant ainsi un veto royal. Le 11 juillet, les Jacobins gagnent un vote d’urgence dans l’Assemblée hésitante, déclarant la nation en danger et enrôlant dans la Garde nationale tous les Parisiens munis de piques[158] (Pendant ce temps, les Fédérés entrent dans la ville pour la fête du 14 juillet ; Pétion est réinstallé). Le 15 juillet, Billaud-Varenne, au club des Jacobins, expose le programme qui suivra le soulèvement : la déportation de tous les Bourbons, l’épuration de la Garde nationale, l’élection d’une Convention, le ” transfert du veto royal au peuple “, la déportation de tous les ” ennemis du peuple ” et l’exemption d’impôts pour les plus pauvres. Ce sentiment reflète le point de vue des Jacobins les plus radicaux, y compris ceux du Club de Marseille, qui écrivent au maire et aux habitants de Paris : ” Ici et à Toulon, nous avons discuté la possibilité de former une colonne de 100 000 hommes pour balayer nos ennemis… Paris peut avoir besoin d’aide. Faites appel à nous !” [159]

Quelques jours plus tard, la nouvelle du Manifeste de Brunswick commençait à se répandre dans Paris. Il est fréquemment décrit comme illégal et attentatoire à la souveraineté nationale[160] Le 1er août, l’Assemblée vote la proposition de Carnot et ordonne aux municipalités de délivrer des piques à tous les citoyens, sauf aux vagabonds, etc[161][162][163] Le 3 août, le maire et 47 sections demandent la déposition du roi. Le 4 août, le gouvernement envisage de se dérober ; dans la nuit, des volontaires de Marseille conduits par Charles Barbaroux s’installent au couvent des Cordeliers[164]. Le 5 août, Robespierre annonce la découverte d’un plan de fuite du roi au château de Gaillon[165]. Le 7 août, Pétion propose à Robespierre de contribuer au départ des Fédérés pour apaiser la capitale[166]. [Le Conseil des ministres propose d’arrêter Danton, Marat et Robespierre s’ils se rendent au club des Jacobins[167]. Le 9 août, l’Assemblée ayant refusé de destituer LaFayette, le tocsin appelle les sections aux armes[168]. Le soir, les “commissionnaires” de plusieurs sections (Billaud-Varenne, Chaumette, Hébert, Hanriot, Fleuriot-Lescot, Pache, Bourdon) se réunissent à l’hôtel de ville. A minuit, l’administration municipale de la ville fut dissoute. Sulpice Huguenin, chef des sans-culottes du faubourg Saint-Antoine, est nommé président provisoire de la Commune insurrectionnelle.

Un sans-culotte avec sa pique
Le vendredi 10 août au petit matin, 30 000 Fédérés (volontaires venus des campagnes) et Sans-culottes (militants des sections parisiennes) mènent avec succès l’assaut des Tuileries[169] ; selon Robespierre, c’est le triomphe des citoyens “passifs” (non votants). L’Assemblée effrayée suspend le roi et vote l’élection d’une Convention nationale pour le remplacer[170]. Dans la nuit du 11 août, Robespierre est élu à la Commune de Paris comme représentant de la “Section de Piques”, le quartier où il habitait. Le comité directeur demande la convocation d’une convention choisie au suffrage universel masculin[171], pour former un nouveau gouvernement et réorganiser la France. Camille Desmoulins pense que tout est fini et qu’ils peuvent enfin se reposer, mais Robespierre passe outre en faisant remarquer que ce ne peut être que le début. Le 13 août, Robespierre se déclare contre le renforcement des départements [172]. Le lendemain, Danton l’invite à entrer au Conseil de justice. Robespierre publie le douzième et dernier numéro du “Défenseur de la Constitution”, à la fois compte rendu et testament politique[173]. Le 16 août, Robespierre présente à l’Assemblée législative une pétition de la Commune de Paris pour demander l’établissement d’un Tribunal révolutionnaire provisoire qui doit s’occuper des “traîtres” et des “ennemis du peuple”. Le lendemain, Robespierre est désigné comme l’un des huit juges, mais il refuse de le présider[174]. Il refuse toute fonction qui pourrait l’éloigner de la scène politique[175] (Fouquier-Tinville est nommé président). L’armée prussienne franchit la frontière française le 19 août. Les sections armées de Paris furent incorporées dans 48 bataillons de la Garde nationale sous les ordres de Santerre. L’Assemblée décrète que tous les prêtres non-jurés doivent quitter Paris dans la semaine et le pays dans les quinze jours[176]. Le 27 août, en présence de près de la moitié de la population parisienne, une cérémonie funèbre est organisée place du Carrousel pour les victimes tuées lors de l’assaut des Tuileries[177].

Les citoyens passifs s’efforcent encore de se faire accepter et de se faire fournir des armes. Danton propose que l’Assemblée autorise les perquisitions ” pour distribuer aux défenseurs de la Patrie les armes que les citoyens indolents ou mal disposés peuvent cacher “[174]. La section Sans-culottes s’organise en comité de surveillance, effectue des perquisitions et des arrestations dans tout Paris[178][179] Les portes sont fermées pour empêcher les suspects (royalistes) et les députés de sortir de la ville. Les perquisitions commencèrent le 29 août et semblent s’être poursuivies pendant deux jours[174] Marat et Robespierre n’appréciaient pas Condorcet qui proposait que les ” ennemis du peuple ” appartiennent à toute la nation et doivent être jugés constitutionnellement en son nom[180] Un conflit aigu se développa entre le Corps législatif et la Commune et ses sections[181][175] Le 30 août, le ministre intérimaire de l’Intérieur Roland et Guadet tentèrent de supprimer l’influence de la Commune car les sections avaient épuisé les perquisitions. L’Assemblée, fatiguée des pressions, déclare la Commune illégale et propose l’organisation d’élections communales[182].

Robespierre ne veut plus coopérer avec Brissot, qui favorise le duc de Brunswick, et Roland, qui propose que les membres du gouvernement quittent Paris en emportant le trésor et le roi[174]. Le dimanche matin 2 septembre, les membres de la Commune, réunis à l’hôtel de ville pour procéder à l’élection des députés à la Convention nationale, décident de maintenir leurs sièges et de faire arrêter Rolland et Brissot[183][184] Madame de Staël qui tente de fuir Paris est contrainte par la foule de se rendre à l’hôtel de ville. Elle constate que Robespierre est à la présidence ce jour-là, assisté de Collot d’Herbois et Billaud-Varenne comme secrétaires[185].

La Convention nationale
Article principal : Convention nationale

Rencontre imaginaire entre Robespierre, Danton et Marat (illustrant le roman Quatre-vingt-treize de Victor Hugo) par Alfred Loudet
Le 2 septembre 1792, les élections à la Convention nationale française commencent. Au même moment, Paris organise sa défense, mais se heurte au manque d’armes pour les milliers de volontaires. Danton prononce un discours à l’assemblée et fait peut-être référence aux détenus (suisses) : “Nous demandons que tous ceux qui refuseront de servir en personne, ou de rendre leurs armes, soient punis de mort”[186][187] Peu de temps après débutent les massacres de septembre[188][189][190] Charlotte Corday tient Marat pour responsable, Madame Roland Danton. Robespierre se rendit à la prison du Temple pour s’assurer de la sécurité de la famille royale.[191] Le lendemain, sur proposition de Collot d’Herbois, l’Assemblée décida d’exclure les députés royalistes de la réélection à la Convention.[192] Robespierre fit en sorte que Brissot (et ses camarades brissotins Pétion et Condorcet) ne puissent être élus à Paris. [Selon Charlotte Robespierre, son frère cessa de parler à son ancien ami, le maire Pétion de Villeneuve, accusé de consommation ostentatoire par Desmoulins[194], et se rallia finalement à Brissot[195]. Le 5 septembre, Robespierre fut élu député à la Convention nationale, mais Danton et Collot d’Herbois obtinrent plus de voix que Robespierre[150]. Madame Roland écrivit à une amie : ” Nous sommes sous le couteau de Robespierre et de Marat, ceux qui agiteraient le peuple “[196].

Le 21 septembre, Pétion fut élu président de la convention ; presque tous les membres étaient des avocats. Les Jacobins et les Cordeliers occupèrent les bancs élevés du fond de l’ancienne salle du Manège, ce qui leur donna l’étiquette de “Montagnards”, ou “les Montagnards” ; au-dessous d’eux se trouvait le “Manège” des Girondistes, républicains modérés. La majorité la Plaine était formée d’indépendants (comme Barère, Cambon et Carnot) mais dominée par la Montagne radicale[197]. Les 25 et 26 septembre, les Girondistes Barbaroux et Lasource accusent Robespierre de vouloir former une dictature[198]. Danton est prié de démissionner de son poste de ministre car il est aussi député. Des rumeurs se répandent selon lesquelles Robespierre, Marat et Danton complotent pour établir un triumvirat afin de sauver la Première République française. (D’octobre 1791 à septembre 1792, l’Assemblée législative française connaît un roulement sans précédent de quatre ministres de la Justice, quatre ministres de la Marine, six ministres de l’Intérieur, sept ministres des Affaires étrangères et huit ministres de la Guerre[199]). Le 30 septembre, Robespierre plaide pour de meilleures lois ; l’enregistrement des mariages, des naissances et des sépultures est retiré à l’église. Le 29 octobre, Louvet de Couvrai attaque Robespierre[200] : il l’accuse d’avoir des allures de star[201] et de n’avoir rien fait pour arrêter le massacre de septembre ; au contraire, il s’en est servi pour faire élire plus de Montagnards[202]. Robespierre, qui semble avoir été malade se voit accorder une semaine pour répondre. Le 5 novembre, Robespierre prend sa défense, celle du Club des Jacobins et de ses partisans à Paris et au-delà :

Sur les Jacobins, j’exerce, s’il faut en croire mes accusateurs, un despotisme d’opinion, qui ne peut être regardé que comme le précurseur de la dictature. D’abord, je ne sais pas ce que c’est qu’une dictature d’opinion, surtout dans une société d’hommes libres… à moins que ce ne soit que la contrainte naturelle des principes. Cette contrainte n’appartient guère à l’homme qui les énonce ; elle appartient à la raison universelle et à tous les hommes qui veulent écouter sa voix. Elle appartient à mes collègues de l’Assemblée constituante, aux patriotes de l’Assemblée législative, à tous les citoyens qui défendront invariablement la cause de la liberté. L’expérience a prouvé, malgré Louis XVI et ses alliés, que l’opinion des Jacobins et des clubs populaires était celle de la Nation française ; aucun citoyen ne l’a faite, et je n’ai fait qu’y prendre part[203].

Retournant les accusations contre ses accusateurs, Robespierre prononça devant l’Assemblée une des répliques les plus célèbres de la Révolution française :

Je ne vous rappellerai pas que l’unique objet de la dispute qui nous divise est que vous avez instinctivement défendu tous les actes des nouveaux ministres, et nous, des principes ; que vous avez paru préférer le pouvoir, et nous l’égalité…. Pourquoi ne poursuivez-vous pas la Commune, l’Assemblée législative, les Sections de Paris, les Assemblées des Cantons et tous ceux qui nous ont imités ? Car toutes ces choses ont été illégales, aussi illégales que la Révolution, que la chute de la Monarchie et de la Bastille, aussi illégales que la liberté elle-même…. Citoyens, voulez-vous une révolution sans révolution ? Quel est cet esprit de persécution qui s’est dirigé contre ceux qui nous ont délivrés des chaînes ?[204].

En novembre 1792, Condorcet considérait la Révolution française comme une religion et Robespierre avait toutes les caractéristiques du chef d’une secte[205],[206] ou d’un culte[207]. Comme ses adversaires le savaient bien, Robespierre avait une forte base de soutien parmi les femmes de Paris. John Moore (médecin écossais) était assis dans les tribunes et a noté que le public était ” presque entièrement fillé de femmes “[208][209] C’est un prêtre qui a ses dévots mais il est évident que tout son pouvoir réside dans la quenouille. Robespierre tente de faire appel aux femmes car au début de la Révolution, lorsqu’il avait essayé de faire appel aux hommes, il avait échoué[208].Les Girondins appellent les autorités locales à s’opposer à la concentration et à la centralisation du pouvoir.

Exécution de Louis XVI

Plaidoyé de Louis XVI accompagné de De Sèze, Valazé à l’assemblée de la Convention, salle du Manège, palais des Tuileries, 26 décembre. Gravure de Reinier Vinkeles
La déclaration unanime de la République française par la Convention le 21 septembre 1792 laisse en suspens le sort de l’ancien roi. Une commission est donc créée pour examiner les preuves à charge, tandis que le comité de législation de la Convention étudie les aspects juridiques d’un éventuel procès. La plupart des Montagnards sont favorables au jugement et à l’exécution, tandis que les Girondins sont plus divisés sur la manière de procéder, certains plaidant pour l’inviolabilité royale, d’autres pour la clémence, d’autres encore pour une peine moindre ou le bannissement. [Le 13 novembre, Robespierre déclara à la Convention qu’une Constitution que Louis avait violée lui-même, et qui déclarait son inviolabilité, ne pouvait maintenant être utilisée pour sa défense[211]. Robespierre avait été pris de maladie et n’avait guère fait que soutenir Saint-Just, ancien colonel de la Garde nationale, qui prononça son premier grand discours pour s’adresser et argumenter contre l’inviolabilité du roi. Le 20 novembre, l’opinion se retourne nettement contre Louis à la suite de la découverte d’une cache secrète de 726 documents constitués de communications personnelles de Louis avec des banquiers et des ministres[212]. Lors de son procès, il prétend ne pas reconnaître des documents clairement signés de sa main[213].

La question du sort du roi occupant désormais le discours public, Robespierre prononça le 3 décembre un discours qui allait définir la rhétorique et le déroulement du procès de Louis[214]. Tous les députés de la Montagne furent priés d’y assister. Robespierre soutient que le roi détrôné ne peut plus fonctionner que comme une menace pour la liberté et la paix nationale et que les membres de l’Assemblée ne doivent pas être des juges impartiaux mais des hommes d’État chargés d’assurer la sécurité publique :

Louis était roi, notre république est établie ; la question essentielle qui vous concerne doit être décidée par ces seuls mots. Louis a été détrôné par ses crimes ; Louis a dénoncé le peuple français comme rebelle ; il a fait appel aux chaînes, aux armées de tyrans qui sont ses frères ; la victoire du peuple a établi que Louis seul était rebelle ; Louis ne peut donc être jugé ; il l’est déjà. Il est condamné, ou la république ne peut être absoute. Proposer de faire le procès de Louis XVI, de quelque manière qu’on le fasse, c’est rétrograder au despotisme royal et à la constitutionnalité ; c’est une idée contre-révolutionnaire, parce qu’elle met la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut encore être jugé, il peut être absous, et innocent. Que dois-je dire ? Il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé. Mais si Louis est absous, s’il peut être présumé innocent, que devient la révolution ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs. [215]

En plaidant pour un jugement par la Convention élue sans procès, Robespierre soutient les recommandations de Jean-Baptiste Mailhe, qui dirigeait la commission chargée de rapporter les aspects juridiques du procès ou du jugement de Louis. Contrairement à certains Girondins, Robespierre s’oppose expressément au jugement par des assemblées primaires ou un référendum, estimant que cela pourrait provoquer une guerre civile[216]. S’il demande un procès de la reine Marie-Antoinette et l’emprisonnement du Dauphin de France, Robespierre préconise l’exécution du roi malgré son opposition à la peine capitale :

Oui, la peine de mort est, en général, un crime, injustifiable par les principes indestructibles de la nature, sauf dans les cas qui protègent la sécurité des individus ou de la société tout entière. Les délits ordinaires n’ont jamais menacé la sécurité publique, car la société peut toujours se protéger par d’autres moyens, rendant les coupables impuissants à lui nuire. Mais pour un roi détrôné au sein d’une révolution, qui n’est encore cimentée que par des lois ; pour un roi dont le nom attire le fléau de la guerre sur une nation troublée ; ni la prison, ni l’exil ne peuvent rendre son existence sans conséquence pour le bonheur public ; cette cruelle exception aux lois ordinaires consacrées par la justice ne peut être imputée qu’à la nature de ses crimes. A regret, je prononce cette fatale vérité : il faut que Louis meure pour que la nation vive[217].

Le 4 décembre, la Convention décrète illégaux tous les écrits royalistes[218]. Le 26 décembre est le jour de la dernière audition du roi. Le 14 janvier 1793, le roi est déclaré coupable à l’unanimité de conspiration et d’attentats à la sûreté publique. Le 15 janvier, l’appel au référendum est rejeté par 424 voix contre 287, Robespierre en tête. Le 16 janvier, le vote commence pour déterminer la peine du roi ; la séance se poursuit pendant 24 heures. Robespierre travaille ardemment à l’exécution du roi. Les Jacobins font échec au dernier appel à la clémence des Girondins[219]. Le 20 janvier, la moitié des députés votent pour une mort immédiate. Le lendemain, Louis XVI est guillotiné[220].

Destruction des Girondistes

Journées des 31 mai, 1er et 2 juin 1793, gravure de la Convention entourée de gardes nationaux, obligeant les députés à arrêter les Girondins et à constituer une force armée de 6 000 hommes. L’insurrection est organisée par la Commune de Paris et soutenue par les Montagnards.

L’insurrection des sans-culottes parisiens du 31 mai au 2 juin 1793. La scène se déroule devant la Chambre des députés aux Tuileries. La représentation montre Marie-Jean Hérault de Séchelles et Pierre Victurnien Vergniaud.
Après l’exécution du roi, l’influence de Robespierre, de Danton et des politiciens pragmatiques s’accroît au détriment des Girondins qui sont largement considérés comme responsables de l’insuffisance de la réponse à la campagne des Flandres qu’ils ont eux-mêmes initiée. À la fin du mois de février, plus d’un millier de magasins sont pillés à Paris. Le 24 février, la Convention décrète la première Levée en masse, mais sans succès, car la tentative de recrutement de nouvelles troupes déclenche un soulèvement dans les campagnes françaises. Les Montagnards perdent leur influence à Marseille, Toulon et Lyon. Le 10 mars 1793, un Tribunal révolutionnaire provisoire est créé ; la Convention nomme Fouquier-Tinville procureur général et Fleuriot-Lescot son adjoint.

Le 12 mars, Charles-François Dumouriez dénonce l’ingérence des fonctionnaires du ministère de la Guerre qui emploie de nombreux Jacobins[222]. Les chefs jacobins sont persuadés qu’après la bataille de Neerwinden (1793), la France a frôlé un coup d’État militaire monté par Dumouriez et soutenu par les Girondins. Le 18 mars, Barère propose de créer un Comité de salut public. Le 22 mars, Dumouriez exhorte le duc de Chartres à se joindre à son projet de dissolution de la Convention, de rétablissement de la Constitution française de 1791, de restauration d’une monarchie constitutionnelle et de libération de Marie-Antoinette et de ses enfants[223]. [Le 25 mars, Robespierre devient l’un des 25 membres du Comité de défense générale chargé de coordonner l’effort de guerre[225] ; il exige que les proches du roi quittent la France, mais Marie-Antoinette doit être jugée[226] ; il parle de mesures énergiques pour sauver la Convention, mais quitte le comité quelques jours plus tard. Marat commence à promouvoir une approche plus radicale, la guerre aux Girondins[227]. Il sera arrêté quelques semaines plus tard.

Le 3 avril, Robespierre déclare devant la Convention que toute la guerre est un jeu préparé entre Dumouriez et Brissot pour renverser la Première République française. Le 5 avril, la Convention élargit considérablement les pouvoirs du Tribunal révolutionnaire ; la Montagne fait monter les enchères en envoyant une circulaire du Club des Jacobins de Paris à tous les clubs jacobins frères de France, pour demander des pétitions exigeant le rappel – c’est-à-dire l’expulsion de la Convention – de tous les députés qui ont tenté de sauver la vie du “tyran”. Le 6 avril, le Comité de salut public est installé avec des députés de la Plaine et des Dantonistes, mais sans Girondins ni Robespierristes[228]. Robespierre, qui n’a pas été élu, est pessimiste quant aux perspectives d’action parlementaire et déclare aux Jacobins qu’il est nécessaire de lever une armée de Sans-culottes pour défendre Paris et arrêter les députés infidèles, nommant et accusant Brissot, Vergniaud, Guadet et Gensonné[229]. [Il n’y a que deux partis selon Robespierre : le peuple et ses ennemis[230]. Les discours de Robespierre au cours du mois d’avril 1793 reflètent la radicalisation croissante. ” Je demande aux sections de lever une armée assez nombreuse pour former le noyau d’une armée révolutionnaire qui attirera tous les sans-culottes des départements pour exterminer les rebelles… “[231] ” Forcez le gouvernement à armer le peuple, qui en vain a réclamé des armes pendant deux ans. “[232] Soupçonnant une nouvelle trahison, Robespierre invite la convention à voter la peine de mort contre quiconque proposerait de négocier avec l’ennemi[233] Marat est emprisonné appelant au meurtre généralisé ainsi qu’à la suspension de la convention. Le 15 avril, la convention est prise d’assaut par le peuple des sections, réclamant la destitution des Girondins. Jusqu’au 17 avril, le congrès discute de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, un document politique français qui a précédé la première constitution républicaine de ce pays. Le 18 avril, la Commune annonce une insurrection contre la Convention après l’arrestation de Marat. Le 19 avril, Robespierre s’oppose à l’article 7 sur l’égalité devant la loi ; le 22 avril, la convention discute de l’article 29 sur le droit de résistance [234]. Le 24 avril 1793, Robespierre présente sa version avec quatre articles sur le droit de propriété. Robespierre remet en effet en cause le droit individuel de propriété[235] ; il prône un impôt progressif et la fraternité entre les peuples de toutes les nations[236] ; le 27 avril, la convention décrète (sur proposition de Danton) l’envoi de 20 000 forces supplémentaires dans les départements en révolte[237] ; Pétion appelle à l’aide les partisans de l’ordre public[238].

Le 1er mai, selon le député girondin Dulaure 8 000 hommes armés prêts à se rendre en Vendée encerclent la convention et menacent de ne pas partir si les mesures d’urgence (salaire décent et plafonnement des prix des denrées alimentaires) demandées ne sont pas adoptées[239][240] Le 4 mai, la convention accepte de soutenir les familles des soldats et marins qui ont quitté leur domicile pour combattre l’ennemi. Robespierre poursuit sa stratégie de guerre de classe[241] Les 8 et 12 mai, au club des Jacobins, Robespierre réaffirme la nécessité de fonder une armée révolutionnaire financée par un impôt sur les riches et destinée à vaincre les aristocrates et les contre-révolutionnaires au sein de la Convention et dans toute la France. Il a déclaré que les places publiques devraient être utilisées pour produire des armes et des piques.[242] A la mi-mai, Marat et la Commune l’ont soutenu publiquement et secrètement.[243] Après avoir entendu ces déclarations, les Girondins se sont inquiétés. Le 18 mai, Guadet demande la fermeture de toutes les institutions politiques de Paris, l’examen des ” exactions ” et le remplacement des autorités municipales[244]. 245][246] Quelques jours plus tard, la Convention décide de créer une commission d’enquête de douze membres, à très forte majorité girondine. [Le 24 mai, les Douze proposent de renforcer les patrouilles de la Garde nationale autour de la Convention[248]. Jacques Hébert, rédacteur du Père Duchesne, est arrêté après avoir attaqué ou appelé à la mort des 22 Girondins. Le lendemain, la Commune exige qu’Hébert soit libéré. Le président de la Convention Maximin Isnard, qui en a assez de la tyrannie de la Commune, menace de la destruction totale de Paris.

François Hanriot chef de la section des Sans-Culottes (rue Mouffetard) ; dessin de Gabriel au musée Carnavalet.
Le 26 mai, après une semaine de silence, Robespierre prononce l’un des discours les plus décisifs de sa carrière[249]. Il appelle ouvertement au club des Jacobins “à se mettre en insurrection contre les députés corrompus”[250]. Isnard déclare que la Convention ne se laissera influencer par aucune violence et que Paris doit respecter les représentants des autres régions de France[251]. La Convention décide que Robespierre ne sera pas entendu. (Pendant tout le débat, Robespierre s’est assis à la tribune.) L’atmosphère devient extrêmement agitée. Certains députés étaient prêts à tuer si Isnard osait déclarer la guerre civile à Paris ; on demanda au président de céder son siège. Le 28 mai, un Robespierre affaibli s’excuse à deux reprises pour son état physique, mais attaque en particulier Brissot pour son royalisme. Il fait référence au 25 juillet 1792 où leurs points de vue se sont séparés[252][253] Robespierre quitte la Convention après des applaudissements du côté gauche et se rend manifestement à l’hôtel de ville[254] Il y appelle à une insurrection armée contre la majorité de la Convention. ” Si la Commune ne s’unit pas étroitement au peuple, elle viole son devoir le plus sacré “, dit-il[255]. Dans l’après-midi, la Commune demande la création d’une armée révolutionnaire de sansculottes dans toutes les villes de France, dont 20 000 hommes pour défendre Paris[256].[250] Le 29 mai, la Commune décide de créer une armée révolutionnaire de 20 000 hommes pour protéger et défendre Paris. [Les délégués représentant 33 des sections de Paris forment un comité insurrectionnel[258] Robbepierre avoue avoir failli abandonner sa carrière à cause de ses angoisses depuis qu’il est député[259] Le 30 mai, Saint-Just est ajouté au Comité de salut public ; Couthon en devient le secrétaire. Le lendemain, le tocsin de Notre-Dame est sonné et les portes de la ville sont fermées ; l’Insurrection du 31 mai au 2 juin commence. Hanriot, “commandant général” de la Garde nationale parisienne depuis la veille au soir, reçoit l’ordre de tirer un canon sur le Pont-Neuf en signe d’alarme. Vergniaud propose de l’arrêter. Robespierre demande l’arrestation des Girondins, qui ont soutenu l’installation de la Commission des Douze[260]. Vers dix heures du matin, 12 000 citoyens armés apparaissent pour protéger la Convention contre l’arrestation des députés girondins. Le samedi 1er juin, la Commune se réunit presque toute la journée. Le ” Comité insurrectionnel ” ordonne l’arrestation de Roland et d’Étienne Clavière. Il ordonne à Hanriot d’encercler la Convention ” avec une force armée respectable “[261]. 40 000 hommes entourent le soir le bâtiment pour forcer l’arrestation. Marat mène l’attaque contre les représentants qui, en janvier, avaient voté contre l’exécution du roi et depuis lors paralysé la Convention[262][263]. Le Comité de salut public reporte de trois jours les décisions concernant les députés accusés ; Marat exige une décision dans la journée[264].

Insatisfaite du résultat, la commune exigea et prépara un ” Supplément ” à la révolution. Hanriot reçoit l’ordre de faire marcher sa garde nationale de l’hôtel de ville au Palais national[265]. En début de soirée, le 2 juin, une importante force armée de citoyens, que certains estiment à 80 000 ou 100 000, mais Danton ne parle que de 30 000[266], encercle la Convention avec l’artillerie. ” La force armée “, dit Hanriot, ” ne se retirera que lorsque la Convention aura livré au peuple les députés dénoncés par la Commune “[267] Les Girondins se croient protégés par la loi, mais le peuple des tribunes réclame leur arrestation. Les Girondins accusés tentèrent de sortir, firent le tour du palais en un cortège théâtral et confrontés de tous côtés par des baïonnettes et des piques, revinrent dans la salle de réunion et se soumirent à l’inévitable. Vingt-deux Girondins furent saisis un par un après quelques jongleries avec les noms[268]. On décida finalement que 31 députés ne devaient pas être emprisonnés[m], mais seulement assignés à résidence[269].

Les Montagnards avaient maintenant le contrôle incontesté de la convention ; selon Couthon, les citoyens de Paris avaient sauvé le pays[270]. Les Girondins, se rendant en province, se joignirent à la contre-révolution[271]. En deux semaines et pendant trois mois, près de cinquante départements furent en rébellion.

Pendant l’insurrection du 31 mai au 2 juin 1793, Robespierre avait griffonné une note dans son carnet de notes :

Il faut une volonté une. Elle doit être républicaine ou royaliste. Si elle est républicaine, il faut des ministres républicains, des journaux républicains, des députés républicains, un gouvernement républicain. Les dangers intérieurs viennent des classes moyennes ; pour vaincre les classes moyennes, il faut rallier le peuple. … Le peuple doit s’allier à la Convention, et la Convention doit se servir du peuple[272][273].

Le 3 juin français, la Convention décide de morceler les terres appartenant aux émigrés et de les vendre à des fermiers. Le 12 juin, Robespierre veut démissionner faute de force[274]. Le 13 juillet, Robespierre défend le projet de Le Peletier d’enseigner les idées révolutionnaires dans les écoles[275]. Le lendemain, la Convention s’empresse de faire l’éloge de Marat – assassiné dans sa baignoire – pour sa ferveur et son zèle révolutionnaire. Opposé à Pierre-Louis Bentabole, Robespierre se contente de demander une enquête sur les circonstances de sa mort [citation nécessaire] Le 17 ou le 22 juillet, les Émigrés sont expropriés par décret ; les preuves de propriété doivent être rassemblées et brûlées.

Le règne de la Terreur
Article principal : Règne de la Terreur

Le Pavillon de Flore, siège du Comité de salut public et du Bureau de la police générale. Joachim Vilate y habitait également dans un appartement. Dessin à l’encre brune (1814)

Paysans et roturiers (royalistes insurgés ou chouans) de Vendée, du Maine, du sud de la Normandie ou de l’est de la Bretagne défendant une église catholique. Artiste inconnu
Le gouvernement français est confronté à de sérieux défis internes, lorsque les villes de province se rebellent contre les révolutionnaires plus radicaux de Paris. La Corse déclare officiellement sa sécession de la France et demande la protection du gouvernement britannique ; Pasquale Paoli oblige les Bonaparte à s’installer sur le continent. En juillet, la France menace de plonger dans la guerre civile, attaquée par l’aristocratie en Vendée et en Bretagne, par les révoltes fédéralistes à Lyon, dans le Midi et en Normandie, en lutte avec toute l’Europe et les factions étrangères[276].

Le 27 juillet 1793, Robespierre est nommé au Comité de salut public et remplace Gasparin qui sera envoyé à l’armée des Alpes et à Marseille. C’est la deuxième fois qu’il occupe une fonction exécutive pour coordonner l’effort de guerre. On peut penser que Robespierre s’est comporté comme une sorte de ministre sans portefeuille[277], apparemment comme le premier ministre officieux, mais le comité était non hiérarchique[278].

Le 4 août, la Constitution française de 1793, qui incluait le suffrage universel, fut adoptée par la Convention. L’article 109 stipulait : Tous les Français sont soldats ; tous seront exercés au maniement des armes[279]. Dès son acceptation, elle fut vidée de son sens, d’abord par la Convention elle-même, qui avait été chargée de se dissoudre à l’achèvement du document, puis par la construction des institutions de travail de la Terreur[280][n]. Le 21 août, Robespierre fut élu président de la Convention[284]. Le 23 août, Lazare Carnot fut nommé au Comité ; le gouvernement provisoire instaura la Levée en masse contre les ennemis de la République. Robespierre tenait particulièrement à ce que les fonctionnaires soient vertueux[285] Il avait envoyé son frère Augustin (et sa sœur Charlotte) à Marseille et à Nice pour réprimer l’insurrection fédéraliste[286] Fin août, Toulon hissa le drapeau royal et livra le port à la marine britannique. Tant l’importance stratégique de la base navale que le prestige de la Révolution exigeaient que les Français reprennent Toulon[287].

Le 4 septembre, les Sans-culottes envahissent à nouveau le congrès. Ils réclament des mesures plus sévères contre la hausse des prix et la mise en place d’un système de terreur pour éradiquer la contre-révolution[288], alors que la quantité d’assignats en circulation a doublé au cours des mois précédents. Le 5 septembre, la Convention se prononce sur une proposition de Chaumette, soutenue par Billaud et Danton, visant à former une armée révolutionnaire de 6 000 hommes à Paris pour balayer les conspirateurs, exécuter les lois révolutionnaires et protéger les subsistances. [Le lendemain, les ultras Collot d’Herbois et Billaud-Varenne sont élus au Comité de salut public[292]. Le Comité de sûreté générale, chargé d’éradiquer les crimes et de prévenir la contre-révolution, commence à gérer la Gendarmerie nationale et les finances du pays. Le 8 septembre, les banques et les bureaux de change sont fermés pour empêcher l’échange de faux assignats et l’exportation de capitaux[293]. Augustin Robespierre et Antoine Christophe Saliceti désignent le jeune Napoléon comme commandant provisoire de l’artillerie des forces républicaines à Toulon et qui met en place une batterie dite des “sans-culottes”. Le 11 septembre, le pouvoir du Comité de salut public est prolongé d’un mois. Jacques Thuriot, ferme partisan de Danton, démissionne le 20 septembre en raison de divergences irréconciliables avec Robespierre et devient l’un des opposants les plus audacieux de Maximilien Robespierre[294]. Le Tribunal révolutionnaire est réorganisé et divisé en quatre sections, dont deux sont toujours actives en même temps. Le 29 septembre, le Comité introduit le maximum, notamment dans la région qui approvisionne Paris[295]. Selon Augustin Cochin (historien), les magasins sont vides en une semaine[296]. Le 1er octobre, la Convention décide d’exterminer les “brigands” de Vendée avant la fin du mois.

Le 3 octobre, Robespierre est convaincu que la Convention est divisée en deux factions, les amis du peuple et les conspirateurs[297]. Il défend 73 Girondins comme utiles[298], 299 pour servir d’otages[300], mais plus de 20 sont envoyés en procès. Il s’en prend à Danton, qui a refusé de siéger au Comité, et estime qu’il faut un gouvernement stable qui puisse résister aux ordres du Comité de salut public[301]. Le 8 octobre, la Convention décide d’arrêter Brissot et les Girondins. Robespierre demanda la dissolution de la Convention ; il pensait qu’ils seraient admirés par la postérité. Cambon répondit que telle n’était pas son intention ; des applaudissements suivirent et la séance fut levée[302]. Après le siège de Lyon, Couthon entra dans la ville, centre d’une révolte. Le 10 octobre, la Convention décrète de reconnaître le Comité de salut public comme le ” gouvernement révolutionnaire ” suprême [303] (qui sera consolidé le 4 décembre) [304] Le gouvernement provisoire sera révolutionnaire jusqu’à la paix selon Saint-Just. Tous les huit jours, le Comité de salut public devait faire rapport à la Convention[305]. Bien que la Constitution ait été très populaire et que sa rédaction et sa ratification aient renforcé le soutien populaire aux Montagnards, le 10 octobre, la Convention l’a mise de côté pour une durée indéterminée jusqu’à une paix future[306] et a décidé de continuer à gouverner sans Constitution[307]. [Le Comité devint un cabinet de guerre doté de pouvoirs sans précédent sur l’économie comme sur la vie politique de la nation, mais il devait obtenir l’approbation de la Convention pour toute législation et pouvait être modifié à tout moment[308]. Danton qui était dangereusement malade depuis quelques semaines[309], sachant probablement qu’il ne pourrait pas s’entendre avec Robespierre[310], abandonna la politique et partit pour Arcis-sur-Aube avec sa femme de 16 ans, qui plaignait la reine depuis le début de son procès[311].

Le 12 octobre, alors qu’Hébert accuse Marie-Antoinette d’inceste avec son fils, Robespierre dîne avec de solides partisans : Barère, Louis de Saint-Just et Joachim Vilate. En discutant de l’affaire, Robespierre casse son assiette avec sa fourchette et traite Hébert d'”imbécile”[312][313][314] Selon Vilate, Robespierre a alors déjà deux ou trois gardes du corps. L’un d’eux était son voisin, l’imprimeur Nicolas. Le 25 octobre, le gouvernement révolutionnaire est accusé de ne rien faire[315]. A la fin du mois, plusieurs membres du Comité de sûreté générale assistés d’armées révolutionnaires sont envoyés en province pour réprimer la résistance active contre les Jacobins. Fouché et Collot d’Herbois arrêtèrent la révolte de Lyon contre la Convention nationale, Jean-Baptiste Carrier ordonna les noyades à Nantes ; Tallien réussit à alimenter la guillotine à Bordeaux ; Barras et Fréron se rendirent à Marseille et à Toulon. Saint-Just et Le Bas visitent l’armée du Rhin pour surveiller les généraux et punir les officiers au moindre signe de timidité traîtresse, ou de manque d’initiative[316]. Son propriétaire, Maurice Duplay, devient membre du “Tribunal Révolutionnaire”. Le 31 octobre, Brissot et 21 Girondins sont guillotinés en 36 minutes par Charles-Henri Sanson.

Le 8 novembre, le directeur de la manufacture des assignats et Manon Roland sont exécutés. Le 14 novembre au matin, François Chabot fait irruption dans la chambre de Robespierre, le tirant du lit, l’accusant de contre-révolution et de complot étranger, brandissant cent mille livres en billets d’assignats, prétendant qu’une bande de comploteurs royalistes les lui avait donnés pour acheter le vote de Fabre d’Églantine, avec d’autres, pour liquider des actions de la Compagnie française des Indes orientales. [317] [318] Chabot est arrêté trois jours plus tard ; Courtois exhorte Danton à rentrer immédiatement à Paris. Le 25 novembre, les restes du comte de Mirabeau sont retirés du Panthéon et remplacés par ceux de Jean-Paul Marat[319]. C’est à l’initiative de Robespierre que l’on apprend que dans ses derniers mois le comte a secrètement conspiré avec la cour de Louis XVI[320]. Le 3 décembre, Robespierre accuse Danton au club des Jacobins de feindre une maladie dans l’intention d’émigrer en Suisse. Danton montrait trop souvent ses vices et non sa vertu. Robespierre est arrêté dans son attaque. L’assemblée fut close après des applaudissements en faveur de Danton[321].

Le 4 décembre, par la loi du gouvernement révolutionnaire, l’indépendance des autorités départementales et locales prend fin, lorsque les pouvoirs étendus du Comité de salut public sont codifiés. Cette loi, présentée par Billaud, appliquée dans les 24 heures, est une décision radicale contre l’indépendance des députés et des commissionnaires en mission ; l’action coordonnée des sections devient illégale[322]. La Commune de Paris et les comités révolutionnaires des sections doivent obéir à la loi, aux deux comités et à la convention[323]. [Le 7 décembre, toutes les armées révolutionnaires de France sont licenciées dans les 24 heures (sauf celles autorisées par la convention comme à Paris)[324]. Le 12 décembre, Robespierre accuse le riche Cloots du club des Jacobins d’être un espion prussien. (Une semaine auparavant, Robespierre avait dénoncé les déchristianisateurs comme des ennemis étrangers). Les Indulgents montent une attaque contre le Comité de salut public qu’ils accusent d’être des assassins[325].

L’ennemi intérieur

Triumvirat de : (de gauche à droite) Saint-Just, Robespierre et Couthon.

Estampe représentant un fr:Comité de surveillance de la section parisienne de l’an II, d’après Jean-Baptiste Huet. (Bibliothèque nationale de France, Paris.)
Le 5 décembre, le journaliste Camille Desmoulins lance un nouveau journal, Le Vieux Cordelier. Il prend la défense de Danton et met en garde contre l’exagération de la révolution. Il compare Robespierre à Jules César et soutient que la Révolution doit revenir aux idées originales en vogue vers le 10 août 1792[326] [327] Dans le quatrième numéro, Desmoulins prend fait et cause pour les 200 000 civils sans défense et détenus dans les prisons comme suspects[328] Il faut créer un Comité de grâce. Desmoulins s’adresse directement à Robespierre en écrivant : ” Mon cher Robespierre… mon vieux camarade d’école… Souviens-toi des leçons de l’histoire et de la philosophie : l’amour est plus fort, plus durable que la peur.”[329] Sous la pression émotionnelle intense des Lyonnaises, Robespierre propose la création d’une commission secrète chargée d’examiner les cas des rebelles lyonnais, pour voir si des injustices ont été commises. C’est le moment où Robespierre est le plus proche d’une prise de position publique contre l’usage de la terreur[330]. Le 17 décembre, Vincent et Ronsin sont arrêtés. Le 21 décembre, Collot d’Herbois déclare : “…si j’étais arrivé deux jours après, j’aurais peut-être été mis moi-même en accusation”[331].

Desmoulins conseille à Robespierre de ne pas tenter de bâtir la République sur une qualité aussi rare que la vertu. Le lendemain, 25 décembre, provoqué à fond par les interpellations insistantes de Desmoulins, Robespierre produit son Rapport sur les principes du gouvernement révolutionnaire[327]. Robespierre répond au plaidoyer pour la fin de la Terreur en justifiant la dictature collective de la Convention nationale, la centralisation administrative et l’épuration des pouvoirs locaux. Il dit qu’il doit éviter deux falaises : l’indulgence et la sévérité. Il ne peut pas consulter les auteurs politiques du XVIIIe siècle, car ils n’avaient pas prévu une telle évolution. Il s’insurge contre les diverses factions [Hébertistes et Dantonistes] qui menacent le gouvernement[332][333] Robespierre croit fermement qu’il faut augmenter l’intensité de la Terreur, plutôt que de la diminuer ; ” le Gouvernement doit se défendre ” [contre les conspirateurs] et ” aux ennemis du peuple il ne doit que la mort “[334][335]. “Selon R.R. Palmer et Donald C. Hodges, il s’agit de la première déclaration importante à l’époque moderne d’une philosophie de la dictature[337][338].

Dans son Rapport sur les principes de la morale politique du 5 février 1794, Robespierre fait l’éloge du gouvernement révolutionnaire et soutient que la terreur et la vertu sont nécessaires :

Si la vertu est le ressort d’un gouvernement populaire en temps de paix, le ressort de ce gouvernement pendant une révolution est la vertu jointe à la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est destructive ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est que la justice prompte, sévère et inflexible ; elle est alors une émanation de la vertu ; elle est moins un principe distinct qu’une conséquence naturelle du principe général de la démocratie, appliqué aux besoins les plus pressants du pays…. Le gouvernement dans une révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie[339].

Aulard résume le courant de pensée jacobin : ” Toute politique, selon Robespierre, doit tendre à établir le règne de la vertu et à confondre le vice. Il raisonne ainsi : ceux qui sont vertueux ont raison ; l’erreur est une corruption du cœur ; l’erreur ne peut être sincère ; l’erreur est toujours délibérée “[340][341] Du 13 février au 13 mars 1794, Robespierre s’était retiré des affaires actives du Comité pour cause de maladie[342] Le 19 février, Maximilien décide donc de retourner chez les Duplay[343] Saint-Just est élu président de la Convention pour les deux semaines suivantes. Début mars, dans un discours au club des Cordeliers, Hébert attaque Robespierre sur la violation des droits de l’homme et Danton sur sa trop grande mollesse. Hébert, la voix des Sans-culottes, utilise le dernier numéro du Père Duchesne pour critiquer Robespierre. (Il y avait des files d’attente et des quasi-émeutes dans les magasins et sur les marchés ; il y avait des grèves et des manifestations publiques menaçantes). Certains Hébertistes et leurs amis appellent à une nouvelle insurrection[344]. Dans la nuit du 13 au 14 mars, Hébert et 18 de ses partisans sont arrêtés sous l’accusation de complicité avec des puissances étrangères. Le 15 mars, Robespierre réapparaît à la convention[p]. Par la suite, il se joint à Saint-Just dans ses attaques contre Hébert[25]. Ils sont guillotinés le 24 mars et leur mort est une sorte de carnaval, un spectacle agréable selon les témoins de Michelet. Les chefs des “armées révolutionnaires” sont dénoncés par le Tribunal révolutionnaire comme complices d’Hébert[346] [347] [q].

Le 25 mars, Condorcet est arrêté car il est considéré comme un ennemi de la Révolution ; il se suicide deux jours plus tard. Le 29 mars, Danton rencontre à nouveau Robespierre en privé ; ensuite, la sœur de Marat l’exhorte à prendre l’offensive[352]. Le 30 mars, les deux comités décident d’arrêter Danton et Desmoulins après que Saint-Just se soit mis dans une colère inhabituelle[353]. Le 31 mars, Saint-Just attaque publiquement les deux. A la Convention, des critiques sont émises contre les arrestations, que Robespierre fait taire en disant : ” …celui qui tremble en ce moment est coupable “[354] Legendre propose d’entendre Danton à la Convention, mais Robespierre répond : ” Ce serait violer les lois de l’impartialité que d’accorder à Danton ce qu’on a refusé à d’autres, qui ont un droit égal de faire la même demande “. Cette réponse fit taire sur-le-champ toutes les sollicitations en sa faveur”[355] Du 21 mars au 5 avril, Tallien fut président de la Convention[356], mais il ne put empêcher le triomphe final de Robespierre. Aucun ami des dantonistes n’osait parler de peur d’être lui aussi accusé de faire passer l’amitié avant la vertu[357].

Le 2 avril s’ouvre le procès pour conspiration avec le duc d’Orléans et Dumouriez. La corruption et un scandale financier impliquant la Compagnie française des Indes orientales fournissent un ” prétexte commode ” pour la chute de Danton[358][359] Les dantonistes ne servent pas le peuple. Ils étaient devenus de faux patriotes, qui avaient préféré les intérêts personnels et étrangers au bien-être de la nation. ” Danton avait été un traître dès le début de la Révolution et la loi d’exception votée pour étouffer sa voix retentissante en font un des moments les plus noirs de toute l’histoire de la Révolution “[360][361] Les accusés, dont neuf étaient des députés de la convention, furent retirés de la salle avant le prononcé du verdict. Fouquier-Tinville demande au tribunal de condamner à la guillotine les accusés qui ont ” troublé l’audience ” et insulté la ” Justice nationale “. Desmoulins accepte difficilement son sort et accuse Robespierre, le Comité de sûreté générale et le Tribunal révolutionnaire. Il est traîné de force sur l’échafaud. Le dernier jour de leur procès, Lucile Desmoulins est emprisonnée. Elle est accusée d’avoir organisé une révolte contre les patriotes et le tribunal pour libérer son mari et Danton. Elle avoue avoir prévenu les prisonniers de la tournure des événements comme en septembre 1792, et qu’il était de son devoir de se révolter contre elle. Fait remarquable, Robespierre n’est pas seulement leur ami le plus âgé, il est aussi le témoin de leur mariage en décembre 1790, avec Pétion et Brissot[362][363].

Caricature montrant Robespierre guillotinant le bourreau après avoir guillotiné tout le monde en France.
Le 1er avril, Lazare Carnot propose de supprimer le conseil exécutif provisoire de six ministres et de remplacer les ministères par douze Comités dépendant du Comité de salut public[236]. Cette proposition est adoptée à l’unanimité par la Convention nationale et mise en place par l’Herman martial le 8 avril. Carnot devenant plus puissant se disputa avec Robespierre et St Just[364]. Lorsque Barras et Fréron rendirent visite à Robespierre, ils furent reçus de manière extrêmement inamicale. (Robespierre était dépourvu des lunettes qu’il portait habituellement en public.) A la demande de Robespierre, la Convention ordonne le transfert des cendres de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon. Le 16 avril, il est décrété de centraliser l’instruction des dossiers judiciaires et d’amener tous les suspects politiques de France au Tribunal révolutionnaire de Paris ; les deux comités reçoivent le pouvoir de les interroger immédiatement. Le 17 avril, les étrangers n’ont plus le droit de circuler en France ni de fréquenter un club jacobin ; les patriotes hollandais qui s’étaient réfugiés en France avant 1790 en sont exclus[365]. Le 22 avril, Malesherbes, avocat qui avait défendu le roi et les députés Isaac René Guy le Chapelier et Jacques Guillaume Thouret, quatre fois élu président de la Constituante sont conduits à l’échafaud. Le 23 avril, le triumvirat met en place un Bureau de la police générale, indépendant du Comité de sûreté générale, chargé de recueillir des renseignements et relevant le plus souvent directement de Robespierre[366] [367], qui en prend la direction et en élargit les attributions en une semaine, lorsque Saint-Just quitte Paris pour l’armée du Nord[368].

Le 5 juin, François Hanriot ordonne la détention de tous les boulangers de Paris qui vendent leur pain à des personnes sans carte (de distribution) ou d’une autre section[369]. Le 10 juin, Georges Couthon présente la loi drastique du 22 prairial. Le Tribunal devient une simple cour de condamnation refusant aux suspects le droit à un avocat et n’autorisant qu’un seul des deux verdicts – l’acquittement total ou la mort et cela basé non pas sur des preuves mais sur la conviction morale des jurés[370][371] La salle d’audience est rénovée pour permettre à soixante personnes d’être condamnées simultanément. La guillotine est déplacée au Faubourg Saint-Antoine afin de se faire moins remarquer. Le nombre de condamnations à mort double[372] En trois jours, 156 personnes sont envoyées par lots à la guillotine ; tous les députés de Toulouse sont exécutés[373][374] La commune doit résoudre de graves problèmes sur les cimetières à cause de l’odeur. Mi-juillet, deux nouvelles fosses communes sont creusées au cimetière de Picpus dans le sol imperméable[375][376].

L’abolition de l’esclavage
Tout au long de la Révolution, Robespierre s’oppose (tantôt de manière ambivalente, tantôt de manière franche) à l’esclavage sur le sol français ou dans les territoires français et il joue un rôle important dans son abolition[377] [378] [379].

Le 15 mai 1791, l’Assemblée constituante accorde la citoyenneté à ” toutes les personnes de couleur nées de parents libres “[380], mais les Blancs coloniaux refusent d’appliquer le décret[381]. Robespierre argumente passionnément à l’Assemblée contre le Comité colonial, dominé par les propriétaires de plantations et d’esclaves dans les Caraïbes. Le lobby colonial déclarait que les droits politiques des Noirs feraient perdre à la France ses colonies. Robespierre répond : ” Nous ne devons pas compromettre les intérêts les plus chers à l’humanité, les droits sacrés d’un grand nombre de nos concitoyens “, puis il s’écrie : ” Mort aux colonies ! “[382] Robespierre est furieux que l’Assemblée ait donné ” une sanction constitutionnelle à l’esclavage dans les colonies “, et il plaide pour l’égalité des droits politiques quelle que soit la couleur de la peau. [Robespierre ne plaide pas pour l’abolition immédiate de l’esclavage, mais les partisans de l’esclavage en France considèrent Robespierre comme un “novateur sanguinaire” et un traître complotant pour donner les colonies françaises à l’Angleterre[382] Quelques mois plus tard, un groupe croissant d’esclaves de Saint-Domingue mène une révolution haïtienne contre l’esclavage et la domination coloniale[384].

Robespierre dénonce la traite des esclaves dans un discours devant la Convention en avril 1793 à propos de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793. Le 4 juin 1793, une délégation de sans-culottes et d’hommes de couleur, conduite par Chaumette, présente à la Convention une pétition demandant la liberté générale des Noirs dans les colonies. Le 6 juillet, Marat est élu au bureau de la Convention coloniale.[385] La constitution radicale de 1793 soutenue par Robespierre et les Montagnards, qui est ratifiée par un référendum national, accorde le suffrage universel aux hommes français et condamne explicitement l’esclavage. Cependant, la Constitution française de 1793 n’a jamais été appliquée. À partir du mois d’août, les anciens esclaves de Saint-Domingue bénéficieront de “tous les droits des citoyens français”. Le 17 novembre 1793, Robespierre insulte les personnes qui nient l’existence de la République française, les traitant d’imbéciles, les députés de la Gironde de pygmées[386], et critique l’ancien gouverneur de Saint-Domingue Sonthonax et Étienne Polverel, qui ont libéré des esclaves sur Haïti, mais proposent ensuite de les armer[387]. [Robespierre dénonce le ministre français aux États-Unis nouvellement formés, Edmond-Charles Genêt, qui s’est rangé du côté de Sonthonax, et informe le Comité de ne pas compter sur les Blancs pour gérer la colonie[388].

En 1794, les débats français concernant l’esclavage atteignent leur apogée. Les discussions portaient sur la question de savoir si les colonies devaient imposer les mêmes lois qu’en France. Fin janvier, une petite délégation métissée, représentant les esclavagistes, leurs opposants, ainsi qu’un ancien esclave, arrive en France[385]. Après avoir été brièvement emprisonné, le membre opposé à l’esclavage est libéré sur ordre du Comité de salut public. La Convention nationale adopte alors un décret interdisant l’esclavage le 4 février et examine le comportement de Sonthonax et de Polverel[389][390] Le lendemain du décret d’émancipation, Robespierre prononce un discours à la Convention dans lequel il affirme que la terreur et la vertu sont nécessaires. Il fait l’éloge des Français comme étant les premiers à ” appeler tous les hommes à l’égalité et à la liberté, et à leurs pleins droits de citoyens “, utilisant le mot esclavage à deux reprises mais sans mentionner spécifiquement les colonies françaises[391]. Malgré les pétitions de la délégation esclavagiste, la Convention décide d’approuver le décret dans son intégralité. Cependant, le décret ne fut mis en œuvre et appliqué qu’à Saint-Domingue, en Guadeloupe et en Guyane française [citation nécessaire].

Quelques semaines plus tard, dans un discours devant le Comité de salut public, Robespierre établit un lien entre la cruauté de l’esclavage et le servage :

Demandez à un marchand de chair humaine ce qu’est la propriété ; il vous répondra en vous montrant ce long cercueil qu’il appelle un navire… Demandez à un gentilhomme [le même] qui a des terres et des vassaux… et il vous donnera des idées presque identiques.

– Robespierre, “Les principes de la propriété”, 24 avril 1794 [392] [4].
Il assiste à une réunion du club des Jacobins en juin 1794 pour soutenir un décret mettant fin à l’esclavage, puis signe des ordonnances pour le ratifier[392].Ce décret entraîne un regain de popularité pour la République auprès des Noirs de St-Domingue, dont la plupart s’étaient déjà affranchis et cherchaient des alliances militaires pour garantir leur liberté[383].

Culte de l’Être suprême
Article principal : Culte de l’Être suprême

Scène du Festival de l’Être suprême construite par Maurice Duplay[393].

La Fête de l’Être suprême, par Pierre-Antoine Demachy (1794)
Le désir de changement révolutionnaire de Robespierre ne se limite pas seulement au domaine politique. Il s’oppose également à l’Église catholique et au pape, en particulier à leur politique de célibat clérical[394]. Après avoir dénoncé le culte de la raison et d’autres excès perçus de déchristianisation entrepris par les opposants politiques en France, il cherche à instiller une résurgence spirituelle à travers la nation, fondée sur des croyances déistes. Le 6 mai 1794, Robespierre annonce à la Convention qu’au nom du peuple français, le Comité de salut public a décidé de reconnaître l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme humaine. En conséquence, le 7 mai, Robespierre fait devant la Convention un long exposé ” sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fêtes nationales “[236]. Robespierre soutient un décret que la Convention adopte pour établir une religion d’État officielle appelée le Culte de l’Être suprême. La notion d’Être suprême était basée sur le credo de l’aumônier de Savoie que Jean-Jacques Rousseau avait exposé dans le livre IV de l’Émile.

Dans l’après-midi du 8 juin (qui est aussi la fête chrétienne de la Pentecôte), une “Fête de l’Être suprême” est organisée. Tout a été arrangé selon les spécifications exactes qui avaient été établies au préalable avant la cérémonie. La sinistre et symbolique guillotine avait été déplacée à l’emplacement original de la Bastille. Les femmes enceintes et les mères allaitantes avec leur bébé avaient été spécialement invitées à marcher dans le cortège qui partait des Tuileries[395]. (Joachim Vilate avait invité Robespierre à déjeuner au Pavillon de Flore, mais il mangea peu).

La fête fut également la première apparition de Robespierre aux yeux du public en tant que chef du peuple, mais aussi en tant que président de la convention, à laquelle il avait été élu seulement quatre jours auparavant[396]. Des témoins affirment que tout au long de la ” Fête de l’Être suprême “, Robespierre rayonnait de joie. Il a pu parler des choses qui le passionnaient vraiment, notamment la vertu, la nature, les croyances déistes et ses désaccords avec l’athéisme. Il s’habille de manière élaborée, portant des plumes sur son chapeau et tenant des fruits et des fleurs dans ses mains, et marche le premier dans le cortège de la fête. Selon Michelet : “Robespierre, selon son habitude, marchait rapidement, d’un air agité. La Convention était loin d’aller aussi vite. Les chefs, peut-être par malice et par déférence perfide, restaient bien en arrière de lui, l’isolant ainsi”[397] Le cortège se termine sur le Champ de Mars. La Convention monta au sommet, où un arbre de la liberté avait été planté[236] (Les chœurs étaient composés par Étienne-Nicolas Méhul et François-Joseph Gossec, sur des paroles du poète obscur Théodore Désorgues). Robespierre prononce deux discours dans lesquels il insiste sur sa conception d’un Être suprême :

N’est-ce pas Lui dont la main immortelle, en gravant dans le cœur de l’homme le code de la justice et de l’égalité, y a inscrit la condamnation à mort des tyrans ? N’est-ce pas Lui qui, dès l’origine des temps, a décrété pour tous les âges et pour tous les peuples la liberté, la bonne foi et la justice ? Il n’a pas créé les rois pour dévorer le genre humain. Il n’a pas créé les prêtres pour nous atteler, comme de vils animaux, aux chars des rois et donner au monde des exemples de bassesse, d’orgueil, de perfidie, d’avarice, de débauche et de mensonge. Il a créé l’univers pour proclamer sa puissance. Il a créé les hommes pour qu’ils s’entraident, qu’ils s’aiment mutuellement et qu’ils parviennent au bonheur par la voie de la vertu[398].

Robespierre descendit de la montagne d’une manière qui ressemblait à celle de Moïse comme chef du peuple. Pour compenser sa petite stature (5’3” = 160 cm), il portait des chaussures surélevées avec des boucles en argent. Si, pour certains, il était excitant de le voir sous son meilleur jour, d’autres députés étaient d’avis que Robespierre avait joué un rôle trop important. On entend quelqu’un dire : “Voyez la canaille, il ne lui suffit pas d’être le maître, il faut qu’il soit Dieu”. Le 15 juin, le président du Comité de sûreté générale Vadier présente, au nom des deux comités, un rapport sur un nouveau complot de Catherine Théot, Christophe Antoine Gerle et trois autres. Il insinua que Robespierre correspondait à ses prophéties[399]. Son discours provoqua de nombreux rires dans la convention. Robespierre se sent ridiculisé et demande le 26 l’arrêt de l’enquête sur Théot et le remplacement de Fouquier-Tinville[400]. Robespierre avec son ” habitude tyrannique de juger ” demande la tête de neuf personnes, qui s’opposent à sa république de vertu[401]. Selon Madame de Staël, c’est à partir de ce moment qu’il se perd[402].

Déchéance
Informations complémentaires : Chute de Maximilien Robespierre

Le Comité de sûreté générale était situé dans l’hôtel de Brionne, à droite ; il se réunissait au premier étage. (Le palais des Tuileries, qui abritait la convention, est à gauche)

Le 9 thermidor, Tallien menaça dans la convention de se servir de son poignard si la Convention nationale n’avait pas le courage d’ordonner l’arrestation de Robespierre.

Collot d’Herbois

La chute de Robespierre à la convention le 27 juillet 1794
Le 20 mai, Robespierre signe personnellement le mandat d’arrêt de Thérèse Cabarrus. Jamais Robespierre n’a poursuivi une victime avec autant d’acharnement[403]. Le 23 mai, Cécile Renault est arrêtée après s’être présentée au domicile de Robespierre avec deux canifs et un linge de rechange dans son sac. Elle a déclaré que le linge frais était destiné à son exécution[404]. Habillée d’une blouse rouge, elle a été exécutée avec ses parents (et 52 autres personnes) une semaine plus tard. Robespierre refuse de réunir dans une maison de détention commune les maris, les femmes et les enfants dispersés dans différentes prisons[405]. Il utilise cette tentative d’assassinat contre lui comme prétexte pour désigner les Anglais comme boucs émissaires[406].

Le 10 juin, la loi du 22 prairial est introduite sans consultation du Comité de sûreté générale, ce qui aggrave le conflit entre les deux comités[407] ; elle double le nombre d’exécutions ; la ” Grande Terreur ” a commencé. Collot d’Herbois, Fouché et Tallien craignent pour leur vie, en raison des excès qu’ils commettent dans diverses régions de France pour réprimer l’opposition au gouvernement révolutionnaire[408]. Comme Brissot, Madame Roland, Pétion, Hébert et Danton, Tallien est accusé d’organiser (ou de participer) à des dîners ostentatoires[409]. Presque tous les députés conviennent qu’il est devenu dangereux.

Le 11 juin, Robespierre attaque Fouché, l’accusant de diriger une conspiration. Les 12 et 13 juin, se trouvant en minorité, il se retire, étouffé par la rage et le désappointement, jurant de ne plus remettre les pieds dans la commission, tant qu’on s’opposera à sa volonté[410]. Robespierre parvient à se doter d’une petite armée d’agents secrets, qui lui rendent compte[411]. Selon Vilate, Robespierre se promène chaque jour pendant deux heures avec son chien danois, appelé Brunt. Le 24 juin, Carnot expédie avec prévoyance une grande partie de l’artillerie parisienne au front[412]. Pendant ce temps, les Pays-Bas autrichiens sont presque entièrement occupés. A la fin du mois de juin, Saint-Just arrive à Paris et constate que la position politique de Robespierre s’est fortement dégradée. Carnot et Cambon proposent de mettre fin à la terreur. Comme au début d’avril, Carnot qualifie Saint-Just et Robespierre de “dictateurs ridicules”[236][413] Le 1er juillet, Robespierre prend la parole au club des Jacobins : ” A Londres, on me dénonce à l’armée française comme un dictateur ; les mêmes calomnies ont été répétées à Paris “[236] Il attaque Tallien et le fait exclure des Jacobins le 11 juillet[414] Le 14 juillet, Robespierre fait exclure Fouché. Pour échapper à l’arrestation, qui avait lieu généralement pendant la nuit, une cinquantaine de députés évitaient de rester chez eux.

Pour échapper à la chaleur, il semble qu’il se rendait parfois à Maisons-Alfort, à 12 km de Paris, et logeait dans une ferme, propriété de François-Pierre Deschamps, son courrier[415]. Robespierre se promenait dans les champs ou le long de la Marne, peut-être avec son chien. Le 3 juillet, il quitte une réunion du Comité en claquant la porte et en s’écriant : ” Alors sauvez le pays sans moi “[416][417] Les 22 et 23 juillet, les deux comités se réunissent en séance plénière. Chargés de réprimer la contre-révolution, les deux comités finissent par s’attaquer l’un à l’autre[303] [418] Saint-Just déclare, lors de négociations avec Barère, qu’il est prêt à faire des concessions sur la position subalterne du Comité de sûreté générale[419] [420] Couthon propose sa démission ” plutôt que d’être soupçonné de prendre part à des mesures ” contre ses collègues[421] Il accepte une plus grande coopération entre les deux comités. Pour Robespierre, le Comité de sûreté générale devait rester subordonné au Comité de salut public. Il veut retirer l’autorité au Comité de sûreté générale, car ils agissent comme deux gouvernements[422][423].

Le 23 juillet, la Commune publie un nouveau maximum, limitant les salaires des employés (dans certains cas de moitié) et provoquant une vive protestation dans les sections[424]. Presque tous les ouvriers de Paris sont en grève[425]. Robespierre décide de s’exprimer clairement dans un nouveau rapport, espérant être réélu au Comité de salut public pour une année supplémentaire. Le samedi 26 juillet, Robespierre réapparut à la convention et prononça un discours de deux heures sur les factions scélérates[426]. Vêtu du même manteau bleu ciel et du même pantalon de nankin qu’il portait lors de la proclamation de l’Être suprême, il se défendit des accusations de dictature et de tyrannie, puis se mit en garde contre une conspiration contre le Comité de salut public. La calomnie, accusait-il, l’avait obligé à se retirer pour un temps du Comité de salut public ; il se trouvait le plus malheureux des hommes. Il donnait l’impression que personne n’était son ami, qu’on ne pouvait se fier à personne[427] ; il se plaignait d’être blâmé pour tout[428] ; et que non seulement l’Angleterre, mais aussi les membres du Comité de sûreté générale, étaient engagés dans une intrigue pour le faire tomber. (Lorsqu’il est interrompu, Robespierre accuse Collot de limiter la liberté de parole ; Billaud Varennes répond qu’ils le veulent tous)[429] Plus précisément, il s’insurge contre les excès sanglants qu’il a observés pendant la Terreur[430] : ” Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner “, s’exclame-t-il[431] Enivré de sa vertu, Robespierre annonce une nouvelle vague d’épuration. ” Punissez les traîtres, épurez le bureau du Comité de sûreté générale, épurez le Comité lui-même et subordonnez-le au Comité de salut public, épurez le Comité de salut public lui-même et créez un gouvernement unifié sous l’autorité suprême de la Convention “[432][423].

Lorsqu’on lui demande de nommer ceux qu’il accuse, il refuse tout simplement. Joseph Cambon monte à la tribune. “Un seul homme paralyse la volonté de la Convention nationale”[433] Sa véhémence changea le cours du débat[434]. La Convention décida de ne pas faire imprimer le texte, le discours de Robespierre devant d’abord être soumis aux deux comités. Robespierre s’étonne que son discours soit envoyé aux députés qu’il avait l’intention de poursuivre.

Le soir, Robespierre prononce le même discours, qu’il considère comme sa dernière volonté, au club des Jacobins, où il est très bien accueilli[436] : ” Qui suis-je, moi qu’on accuse ? Un esclave de la Liberté, un martyr vivant de la République, la victime comme l’ennemi du crime.”[437] Il parle de boire la ciguë, et David, le peintre, s’écrie : “Je la boirai avec vous.” Collot d’Herbois et Billaud-Varenne furent chassés à cause de leur opposition à l’impression et à la diffusion du texte. Billaud réussit à s’échapper avant d’être agressé, mais Collot d’Herbois est renversé. Ils se rendent au Comité de salut public, où ils trouvent Saint-Just en train de travailler. Ils lui demandent s’il rédige leur acte d’accusation. Saint-Just leur promet de leur montrer son discours avant l’ouverture de la séance[438] [439].

Réunis en secret, neuf membres des deux comités décidèrent que c’était tout ou rien ; après exactement un an de pouvoir, Robespierre devait être éliminé. Barère a déclaré qu’ils mourraient tous si Robespierre ne le faisait pas. Selon Barère : ” Nous ne nous sommes jamais fait illusion sur le fait que Saint-Just, taillé en patron plus dictatorial, aurait fini par le renverser pour se mettre à sa place ; nous savions aussi que nous faisions obstacle à ses projets et qu’il nous ferait guillotiner ; nous l’avons fait arrêter. “[440] (La Convention perdit 144 délégués en 13 mois ; 67 furent exécutés, se suicidèrent ou moururent en prison). Désormais, extrémistes et indulgents se liguent contre lui. Laurent Lecointre est l’instigateur du coup d’État[441], assisté de Barère, Fréron, Barras, Tallien, Thuriot, Courtois, Rovère, Garnier de l’Aube et Guffroy. (Fouché n’était plus impliqué et s’était caché.)[442] Chacun d’eux préparait son rôle dans l’attaque. Ils décidèrent que Hanriot, ses aides de camp, Lavalette et Boulanger[443], l’accusateur public Dumas, la famille Duplay et l’imprimeur Charles-Léopold Nicolas devaient être arrêtés les premiers, afin que Robespierre soit sans appui[441].

A midi, Saint-Just se rendit directement à la convention, prêt à tout mettre sur le dos de Billaud, Collot d’Herbois et Carnot[444]. Il commença : “Je ne suis d’aucune faction ; je les combattrai tous”[347] [430] Au bout de quelques minutes, Tallien – ayant une double raison de désirer la fin de Robespierre, puisque, la veille au soir, Robespierre a refusé de mettre Thérèse Cabarrus en liberté – l’interrompt et commence l’attaque. “Hier, un membre du gouvernement est resté tout à fait isolé et a fait un discours en son nom propre ; aujourd’hui, un autre a fait la même chose.” Il poursuit “Hier, le président du tribunal révolutionnaire [Dumas] a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs.” Billaud-Varennes se plaint de la façon dont il a été traité au club des Jacobins la veille au soir et du fait que Saint-Just n’a pas tenu sa promesse de leur montrer son discours avant la réunion. Depuis mars, ils avaient organisé un système d’espionnage parmi les représentants à la Convention qu’ils voulaient détruire. Il ferait mieux d’arrêter de parler de justice et de vertu. Billaud se servirait de son poignard si Robespierre n’était pas arrêté[445]. Tallien exige l’arrestation de Dumas, Hanriot et Boulanger. Selon Barère, les comités se sont demandé pourquoi il existait encore un régime militaire à Paris ; pourquoi tous ces commandants permanents, avec des états-majors, et des forces armées immenses ? Les comités ont cru bon de rendre à la garde nationale son organisation démocratique[446].

Près de trente-cinq députés parlèrent ce jour-là contre Robespierre, la plupart de la Montagne[447]. Alors que les accusations commençaient à s’accumuler, Saint-Just garda le silence. Robespierre se précipite vers la tribune, fait appel à la Plaine pour le défendre contre les Montagnards, mais sa voix est étouffée. Robespierre se précipite vers les bancs de la gauche, mais quelqu’un crie : ” Éloignez-vous d’ici ; Condorcet y était assis “. Il se retrouve bientôt à court de mots après que Vadier lui a fait une imitation moqueuse en évoquant la découverte d’une lettre sous le matelas de l’analphabète Catherine Théot[r]. Lorsque Garnier est témoin de l’incapacité de Robespierre à répondre, il s’écrie : ” Le sang de Danton l’étouffe ! “[452] Robespierre retrouve alors enfin la parole pour répondre par sa seule déclaration enregistrée de la matinée, une demande pour savoir pourquoi on lui reproche maintenant la mort de l’autre homme : ” Est-ce Danton que vous regrettez ? (…) Lâches ! Pourquoi ne l’avez-vous pas défendu ?”[453]

Arrestation

Saint-Just et Robespierre à l’Hôtel de Ville dans la nuit du 9 au 10 thermidor an II. Peinture de Jean-Joseph Weerts

Proclamation de la Commune, trouvée dans la poche de Couthon. Couthon a été invité par Robespierre, etc. pour laquelle ils ont utilisé du papier à lettres officiel de la police.

Les troupes de la Convention Nationale attaquent la Commune. Gravure de Pierre-Gabriel Berthault et Jean Duplessis-Bertaux (1804)

Appréhension de Robespierre … qui, saisi par un gendarme, a tiré un pistolet dans sa bouche, mais ne s’est pas blessé mortellement.

Tableau de Valery Jacobi représentant Robespierre blessé.

Fermeture du Club des Jacobins par Louis Legendre, au petit matin du 28 juillet 1794. Il le rouvrira quatre jours plus tard[454].
Vers 1 ou 2 heures de l’après-midi, Louis Louchet demanda l’arrestation de Robespierre ; Robespierre le Jeune exigea de partager son sort. Toute la Convention est d’accord, y compris les deux autres membres du triumvirat, les invalides Couthon et Saint-Just. Le Bas décide de se joindre à Saint-Just. Robespierre s’écrie que la révolution est perdue en descendant à la tribune. Les cinq députés sont conduits au Comité de sûreté générale et interrogés. Vers 3 heures de l’après-midi, Hanriot reçoit l’ordre de se présenter à la convention ; lui ou quelqu’un d’autre propose de ne s’y présenter qu’accompagné d’une foule. (Dumas a déjà été arrêté à midi et conduit à quatre heures à la prison de Sainte-Pélagie, ainsi que les membres de la famille Duplay)[455] (L’histoire de Marie Thérèse de Choiseul qui sera l’une des dernières guillotinées dans l’après-midi, est mal connue. )[346] A cheval, Hanriot prévient les sections qu’il y aura une tentative d’assassinat de Robespierre, et mobilise 2 400 gardes nationaux devant l’hôtel de ville.[236][456][457][458] Ce qui s’était passé n’était pas très clair pour leurs officiers ; soit la convention était fermée, soit la Commune de Paris. Personne n’a rien expliqué.[459] La Commune de Paris a donné l’ordre de fermer les portes (et de sonner le tocsin), et a convoqué une réunion immédiate des sections pour examiner les dangers menaçant la patrie.[460] Pour la Convention, c’était une action illégale sans l’autorisation des deux comités. Il fut décrété que toute personne dirigeant une ” force armée ” contre la convention serait considérée comme un hors-la-loi.

Vers 19 heures, les cinq députés furent conduits en fiacre dans différentes prisons. Robespierre au Palais du Luxembourg, Couthon à “La Bourbe” et Saint-Just à “l’Écossais”. Augustin est conduit de la prison Saint-Lazare à la prison de la Force[461], comme Le Bas qui est refusé à la Conciergerie[462][463][117] La Commune de Paris s’allie aux Jacobins pour provoquer une insurrection, leur demandant d’envoyer des renforts des galeries, ” même les femmes qui y sont régulières “[208] Vers 8 heures du soir, Hanriot se présente sur la place du Carrousel devant la convention, mais il est fait prisonnier. Selon Eric Hazan, “Vient alors le tournant de cette journée : au lieu de profiter de sa supériorité, tant en canons qu’en hommes, pour envahir la salle voisine où siégeait la Convention, la colonne, faute d’ordres et de chefs, regagne la Maison-Commune”[236], le vice-président du Tribunal Coffinhal se rendit au Comité de sûreté générale avec 3 000 hommes et leur artillerie[464]. Robespierre et ses alliés ayant été conduits entre-temps dans une prison, il ne réussit qu’à faire libérer Hanriot et ses adjuvants[465][466].

La manière dont les cinq députés s’échappèrent de la prison fut contestée. D’après Le Moniteur Universel, les geôliers auraient refusé de suivre l’ordre d’arrestation pris par la convention[467]. D’après Courtois[462] et Fouquier-Tinville, l’administration de la police était responsable de toute garde à vue ou libération[468]. [Escorté par deux municipaux, Robespierre le jeune arriva le premier à l’hôtel de ville[470][471]. Un administrateur de police, qui se trouvait au palais du Luxembourg, conduisit Robespierre l’aîné vers 20 heures à l’administration de police de l’île de la Cité ; Robespierre insista pour être reçu dans une prison[472]. Il hésita pour des raisons juridiques pendant peut-être deux heures.

Vers 22 heures, le maire désigne une délégation pour aller convaincre Robespierre d’adhérer au mouvement de la Commune[236] Robespierre est conduit à l’hôtel de ville[473][474] Vers 23 heures, Saint-Just est livré[475], après quoi on fait entrer Le Bas et Dumas[462] (Couthon arrive le dernier à l’hôtel de ville, mais après minuit[476][477]). La Convention déclare les cinq députés (plus les membres de soutien) hors-la-loi. Elle nomme ensuite Barras et ordonne l’appel des troupes (4 000 hommes)[478].

Après toute une soirée passée à attendre en vain une action de la Commune, à perdre du temps en délibérations stériles, sans ravitaillement ni instructions, les sections armées commencent à se disperser. Selon Colin Jones, l’apathie l’emporte, la plupart rentrant chez eux[471]. Environ 400 hommes de trois sections semblent être restés sur la place de Grève, selon Courtois[479][480] Vers 2 heures du matin, Barras et Bourdon, accompagnés de plusieurs membres de la Convention, arrivent en deux colonnes. Barras avance délibérément lentement, dans l’espoir d’éviter le conflit par une démonstration de force[480][478] Puis les Grenadiers font irruption dans l’Hôtel de Ville ; 51 insurgés sont rassemblés au premier étage. Robespierre et ses alliés s’étaient retirés dans le petit “secrétariat”[481].

Il existe de nombreuses histoires sur ce qui s’est passé alors. Le Bas se serait tué avec un pistolet, en remettant un autre à Robespierre, qui se serait tiré une balle dans la mâchoire[482]. Selon Barras et Courtois, Robespierre aurait tenté de se suicider[483][484][485] en pointant le pistolet sur sa bouche, mais un gendarme semble l’en avoir empêché. [486] (Ce changement d’orientation pourrait expliquer comment Robespierre, assis sur une chaise, a été blessé du haut de la droite dans le bas de la mâchoire gauche[487][488][463][s]). Selon Bourdon, le soldat Méda a blessé Robespierre à courte distance, puis a frappé l’adjudant de Couthon à la jambe[490][491][492][493][494] Couthon est retrouvé couché au bas d’un escalier dans un coin, après être tombé du dos de son gendarme. Pour éviter d’être capturé, Augustin Robespierre se déchaussa et sauta d’une large corniche. Il atterrit sur des baïonnettes, ce qui lui vaut une fracture du bassin et plusieurs contusions graves à la tête, dans un état alarmant de “faiblesse et d’inquiétude”[495]. L’imperturbable Saint-Just se rend sans mot dire. Selon Méda, Hanriot a tenté de s’échapper par un escalier dérobé jusqu’au troisième étage, où il semble avoir eu un appartement[496]. La plupart des sources affirment que Hanriot a été jeté par une fenêtre par Coffinhal après avoir été accusé du désastre. (Selon Ernest Hamel, il s’agit d’une des nombreuses légendes répandues par Barère[497]). Quoi qu’il en soit, Hanriot atterrit dans une petite cour sur un tas de verre[459] Il eut assez de force pour ramper dans un égout où il fut retrouvé douze heures plus tard et conduit à la Conciergerie[459] Coffinhal, qui avait réussi à s’échapper, fut arrêté sept jours plus tard, totalement épuisé[498][499].

Exécution

Allongé sur une table, blessé, dans une salle de la convention, Robespierre est l’objet de la curiosité et des quolibets des Thermidoriens, tableau de Lucien-Étienne Mélingue (Salon de 1877)(Musée de la Révolution française)

Robespierre le jour de son exécution ; Croquis de Jacques Louis David

L’exécution de Couthon ; le corps d’Adrien Nicolas Gobeau, ex-substitut de l’accusateur public Fouquier et membre de la Commune, le premier à avoir souffert, est représenté couché sur le sol ;[459] Robespierre {#10} est représenté tenant un mouchoir sur sa bouche. Hanriot {#9} se couvre l’oeil, qui est sorti de son orbite lors de son arrestation.
Le reste de la nuit, Robespierre est couché dans une antichambre du Comité de sûreté générale[500]. Il est allongé sur la table, la tête sur une caisse de deal (pin), la chemise couverte de sang. A 5 heures du matin, son frère et Couthon semblent avoir été conduits à l’hôpital le plus proche, l’Hôtel-Dieu de Paris, pour voir un médecin. Barras nie que Robespierre y ait été envoyé également ; les circonstances ne le permettaient pas[501]. Un médecin militaire est invité et lui enlève quelques dents et des fragments de sa mâchoire cassée. Robespierre fut ensuite placé dans la cellule de la Conciergerie et déposé sur le lit dans lequel Danton avait dormi pendant sa détention[459].

Dans l’après-midi du 10 Thermidor (28 juillet, jour de décadi, jour de repos et de fête), le Tribunal révolutionnaire accuse Robespierre et 21 “Robespierristes” (ses partisans ou sympathisants parmi lesquels se trouvent 13 membres de la Commune insurrectionnelle) de contre-révolution ; ils sont condamnés à mort selon les règles de la loi du 22 prairial, ne vérifiant leur identité qu’au procès. En fin d’après-midi, les condamnés, dont la moyenne d’âge est de 34 ans, sont conduits dans trois charrettes sur la place de la Révolution pour être exécutés avec le cordonnier Antoine Simon, geôlier du Dauphin. Une foule hurlant des malédictions les suit jusqu’à l’échafaud. Le visage encore tuméfié, Robespierre garde les yeux fermés tout au long du cortège. Il est le dixième appelé à la tribune et monte les marches de l’échafaud sans aide[459]. Au moment de dégager le cou de Robespierre, le bourreau Charles-Henri Sanson arrache le bandage qui maintient en place sa mâchoire brisée, ce qui lui fait pousser un cri d’agonie jusqu’à ce que la chute de la lame le réduise au silence[502]. [Le petit-fils de Sanson a écrit que, bien que son grand-père ait fait cela avec précaution, Robespierre a néanmoins rugi comme un tigre en réponse[459]. Après sa décapitation, des applaudissements et des cris de joie se sont élevés de la foule et auraient persisté pendant quinze minutes[503][504] Robespierre et ses associés guillotinés ont ensuite été enterrés dans une fosse commune au cimetière des Errancis nouvellement ouvert près de l’actuelle place Prosper-Goubaux[t].

Héritage et mémoire
Article principal : Réaction thermidorienne
Bien que nominalement tous les membres du comité soient égaux, pendant la Réaction thermidorienne, Robespierre est présenté comme le plus responsable par les protagonistes survivants de la Terreur, notamment par Bertrand Barère, membre éminent de la Plaine. Le lendemain de sa mort, Barère le décrit comme le “tyran” et “la Terreur elle-même”. Ce jour-là, environ la moitié de la Commune de Paris (70 membres) est envoyée à la guillotine[505] ; pendant ce temps, 35 sections félicitent la Convention, certaines défilent dans la salle[506]. Sur proposition de Thuriot, le Tribunal révolutionnaire est suspendu et remplacé par une commission temporaire[507]. [507] Le 30 juillet, Courtois prit en dépôt les livres de Robespierre, Corneille, Voltaire, Rousseau, Mably, Locke, Bacon, Pope, des articles d’Addison et de Steele dans le Spectator, un dictionnaire anglais et italien, une grammaire anglaise et la Bible. [508] Rien sur Richard Price ou Joseph Priestley qui avaient tant influencé Condorcet, Mirabeau, Clavière et Brissot[509][510] Le 1er août, la loi du 22 prairial est abolie ; Fouquier-Tinville est arrêté. (Entre le 6 et le 20 août, Napoléon est assigné à résidence à Nice en raison de ses liens avec Robespierre le jeune[511]). Mi-août, Courtois est chargé par la convention de rassembler des preuves contre Robespierre, Le Bas et Saint-Just, dont le rapport a mauvaise réputation, sélectionnant et détruisant des papiers[512]. À la fin du mois, Tallien déclare que tout ce que le pays vient de vivre est la ” Terreur ” et que le ” monstre ” Robespierre, le ” roi ” de la Révolution, en est l’orchestrateur. En fait, c’est toute une nouvelle mythologie politique qui se crée[513] : prêcher le terrorisme après Thermidor, c’est s’exposer aux soupçons de robespierrisme, soupçons qu’il faut avant tout éviter. La légende Robespierre grandit, ou plutôt deux légendes distinctes, mettant en scène un Robespierre dont l’ambition irresponsable avait conduit à la calamité, et un Robespierre ami de la première heure du prolétariat, sur le point de se lancer dans la révolution économique lorsqu’il tomba[514].

La réputation de Robespierre est passée par plusieurs cycles de réévaluation[515]. Son nom a atteint son apogée dans la presse au milieu du XIXe siècle, entre 1880 et 1910 et en 1940[90]. Le témoin oculaire Helen Maria Williams, qui travaillait comme traductrice à Paris, a attribué tous les sinistres événements à son hypocrisie et à sa ruse. Elle le décrit comme le grand conspirateur contre la liberté de la France ; elle mentionne l’enthousiasme forcé exigé des participants à la Fête de l’Être suprême. [Le laborieux Buchez, mystique démocratique, produit des volumes (quarante au total) où l’Incorruptible s’érige en Messie et en être sacrificiel de la Révolution[517] : pour Jules Michelet, il est le ” prêtre Robespierre ” et pour Alphonse Aulard, Maximilien est un ” monomaniaque bigot ” et un ” assassin mystique “[518].

Sa réputation a atteint son apogée dans les années 1920 lorsque l’influent historien français Albert Mathiez a rejeté la vision commune de Robespierre comme étant démagogique, dictatorial et fanatique. Mathiez a soutenu qu’il était un porte-parole éloquent des pauvres et des opprimés, un ennemi des intrigues royalistes, un adversaire vigilant des politiciens malhonnêtes et corrompus, un gardien de la République française, un chef intrépide du gouvernement révolutionnaire français et un prophète d’un État socialement responsable[519]. François Crouzet a recueilli de nombreux détails intéressants auprès d’historiens français traitant de Robespierre[520]. Selon Marcel Gauchet, Robespierre confondait son opinion privée et sa vertu[citation nécessaire].

En se faisant l’incarnation de la vertu et de l’engagement total, Robespierre prend le contrôle de la Révolution dans sa phase la plus radicale et la plus sanglante : la république jacobine. Son objectif dans la Terreur était d’utiliser la guillotine pour créer ce qu’il appelait une “république de vertu”, dans laquelle la vertu serait combinée à la terreur.

L’idéal principal de Robespierre était d’assurer la vertu et la souveraineté du peuple. Il désapprouve tout acte qui pourrait être considéré comme exposant la nation aux contre-révolutionnaires et aux traîtres et craint de plus en plus la défaite de la Révolution. Il est l’instigateur de la Terreur et de la mort de ses pairs afin de garantir la République de vertu, mais ses idéaux dépassent les besoins et les désirs du peuple français. Il est devenu une menace pour ce qu’il avait voulu assurer et le résultat a été sa chute[25].

En 1941, Marc Bloch, un historien français, soupire de désillusion (un an avant qu’il ne décide de rejoindre la Résistance française) : “Soboul affirme que Robespierre et Saint-Just “étaient trop préoccupés par la défaite des intérêts de la bourgeoisie pour apporter leur soutien total aux sans-culottes, et pourtant trop attentifs aux besoins des sans-culottes pour obtenir le soutien de la classe moyenne”[521]. “[521] Selon R.R. Palmer : le moyen le plus facile de justifier Robespierre est de représenter les autres Révolutionnaires sous un jour défavorable ou disgracieux. C’était la méthode utilisée par Robespierre lui-même.[522] Pour Peter McPhee, les réalisations de Robespierre étaient monumentales, mais la tragédie de ses dernières semaines d’indécision l’était tout autant.[523] Les membres du comité, ainsi que les membres du Comité de sûreté générale, étaient autant responsables du déroulement de la Terreur que Robespierre. “[524] Ils ont peut-être exagéré son rôle pour minimiser leur propre contribution et l’ont utilisé comme bouc émissaire après sa mort.[525][526] J-C. Martin et McPhee interprètent la répression du gouvernement révolutionnaire comme une réponse à l’anarchie et à la violence populaire, et non comme l’affirmation d’une idéologie précise[509] Martin tient Tallien pour responsable de la mauvaise réputation de Robespierre, et que les “Thermidoriens” ont inventé la “Terreur” car aucune loi ne prouve son introduction. [291] De nombreux historiens ont négligé l’attitude de Robespierre à l’égard de la Garde nationale française de juillet 1789 à août 1792, la promotion de l’armement civil entre juin 1792 et le 2 juin 1793 et la création d’une armée révolutionnaire de 20 000 hommes dans sa revue[527] Dubois-Crancé décrit Robespierre comme le général des Sansculottes[528] En un an, Carnot, ministre de la Guerre, revient sur plusieurs mesures et devient l’ennemi de Saint-Just. Barère aussi change d’avis ; les Gardes volontaires et les Sans-culottes militants perdent rapidement de leur influence. L’historien révisionniste Furet pensait que la Terreur était inhérente à l’idéologie de la Révolution française et n’était pas seulement un épisode violent. Tout aussi importante est sa conclusion selon laquelle la violence révolutionnaire est liée à un volontarisme extrême[529] [14] Furet était particulièrement critique de la “ligne marxiste” d’Albert Soboul[530].

À l’époque soviétique, il a été utilisé comme exemple de figure révolutionnaire[531][532] Pendant la Révolution d’Octobre et la Terreur rouge, Robespierre a trouvé de nombreux éloges en Union soviétique.

Robespierre tombe plusieurs fois malade : au printemps 1790, en novembre 1792 (plus de trois semaines) ; en septembre-octobre 1793 (deux semaines) ; en février-mars 1794 (plus d’un mois)[533] ; en avril-mai (environ trois semaines) et en juin-juillet (plus de trois semaines). Ces maladies expliquent non seulement les absences répétées de Robespierre des comités et de la Convention pendant des périodes importantes, notamment en 1794 lorsque survient la Grande Terreur, mais aussi le fait que sa faculté de jugement se détériore – tout comme ses humeurs[509].

Peter McPhee a déclaré qu’à plusieurs reprises, Robespierre avait admis qu’il était épuisé ; son jugement personnel et tactique, autrefois si aigu, semble l’avoir déserté. Les tentatives d’assassinat l’ont rendu méfiant jusqu’à l’obsession[523] Il existe une longue lignée d’historiens ” qui rendent Robespierre responsable de tous les épisodes les moins attrayants de la Révolution “[534] Jonathan Israël critique vivement Robespierre pour avoir répudié les vraies valeurs des Lumières radicales. Il affirme que “l’idéologie et la culture jacobines sous Robespierre étaient un puritanisme moral rousseauiste obsessionnel imprégné d’autoritarisme, d’anti-intellectualisme et de xénophobie, et qu’elles répudiaient la liberté d’expression, les droits humains fondamentaux et la démocratie. “[535] Il fait référence aux députés girondins Thomas Paine, Condorcet, Daunou, Cloots, Destutt et l’abbé Grégoire dénonçant l’impitoyabilité, l’hypocrisie, la malhonnêteté, la soif de pouvoir et la médiocrité intellectuelle de Robespierre[536] Selon Hillary Mantel : Il ne pouvait pas survivre s’il ne faisait confiance à personne, et ne savait pas à qui faire confiance[106]. Selon Charles Barbaroux, qui lui rendit visite début août 1792, son joli boudoir était rempli d’images de lui-même sous toutes les formes et dans tous les arts ; un tableau, un dessin, un buste, un relief et six physionotraces sur les tables[537].

Pour Georges Lefebvre, Robespierre était un ” défenseur acharné de la démocratie, adversaire résolu de la guerre étrangère, sauveur de la République, homme intègre et visionnaire “[538], mais l’approche marxiste qui le dépeignait comme un héros s’est largement estompée[539]. Pour Aldous Huxley, ” Robespierre a accompli le genre de révolution le plus superficiel, la révolution politique “[540], ” Robespierre reste aussi controversé que jamais, deux siècles après sa mort “[541].

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